Tesla Model S P90D - Essai détaillé
Ses points forts
Accélérations fantastiques
Autonomie satisfaisante
Compétitive avec les voitures essence
Habitabilité et coffres
Réseau de bornes rapides gratuites
Connexion 3G offerte à vie | Ses points faibles
Instrumentation insuffisante
Manque d'équipements pratiques
Regénération insuffisament réglable
Cartes Googlemaps
non téléchargées
Prix élevé
|
Historique et présentation
Essai réalisé le 1er décembre 2015.
271 km parcourus.
Pendant longtemps, quand on parlait de voiture électrique, on parlait de voitures aux performances médiocres, et à l'autonomie très limtée. Autrement dit d'autos peu attrayantes pour le grand public. Et que d'ailleurs bien peu de gens achetaient. Tesla a changé tout cela. D'abord avec un roadster qui a prouvé qu'une électrique pouvait être très performante, et ensuite avec la Model S, la première voiture électrique capable de concurrencer une voiture essence. 3 ans après son lancement commercial, elle est toujours la seule à pouvoir prétendre à cela.
Cela parait incroyable, mais aucun grand constructeur n'a encore su rattraper Tesla. Sans doute qu'il y a plus d'audace en Californie que nulle part ailleurs, mais on regrettera que le design soit si classique. La Model S est certes une élégante berline, personne ne dira le contraire, juste un peu plus grande que les standards européens (4,97 x 1,96 m), mais pourquoi n'y a t-il rien dans son design qui indique l'originalité de sa propulsion ? Le directeur du design de Tesla est un ancien de chez Mazda, et si on collait des badges Mazda 8 sur la Tesla, personne ne serait surpris. La Model S surprend pourtant là où on ne l'attendait pas : c'est une 7 places. Elle peut recevoir en option une seconde petite banquette arrière, qui peut accueillir 2 enfants dans le sens contraire de la marche.
Mais la plus grosse surprise est que lorsqu'on fait le tour du propriétaire, on ne trouve pas de moteur ! Avec un coffre recouvert de moquette sous le capot avant, tout ce qui touche à la propulsion de l'auto est invisible. Caché. Circulez, il n'y a rien à voir. C'est déconcertant pour les amateurs de mécanique, mais c'est hélas une évolution que nous avions déjà constaté sur les voitures essence. Il n'y a plus que les supercars italiennes où on peut voir le moteur. Sur toutes les grosses allemandes déjà, il y a un cache en plastique qui cache tout sous le capot. Là où la Tesla fait plus fort pourtant, est qu'on ne voit même pas le réservoir de liquide de freins (le carnet d'entretien préconise une vidange tous les 40 000 km, par Tesla). Là aussi, c'est caché (juste à l'arrière du coffre avant), et avec le moteur électrique qui marche sans huile, le seul élément accessible à l'automobiliste, est le réservoir de liquide lave-glace (bouchon bleu ci-dessus). On a regardé, et il était plein, alors tout va bien.
La technologie
Véritable voiture électrique, la Model S ne partage rien avec aucune voiture à essence. Elle a un chassis dédié à sa propulsion, et même au type de cellules de sa batterie. Ce sont des cylindres à peine plus gros qu'un petit doigt (18 mm de diamètre et 65 mm de hauteur), et il y en a 7104, pour stocker, théoriquement, 90 kWh. La chose remarquable est qu'avec les cellules placées verticalement dans le plancher, la batterie est très grande (environ 4 m² au sol), mais très fine, plate. La voiture n'est alors nullement plus haute qu'une auto ordinaire. A bord, l'impression d'espace est de surcroît accentuée par l'absence de tout tunnel de transmission. Car si l'auto est une traction intégrale, c'est parce qu'elle possède 2 moteurs.
Plus compacts que des moteurs essence, ces moteurs sont accolés aux trains. Celui de l'arrière donne 510 ch, et celui de l'avant 262 ch. Ce qui fait de cette P90D, la voiture la plus puissante que nous ayons jamais conduite, à ceci près que cette puissance dépend de l'état de la batterie, comme nous n'allions pas manquer de la découvrir. Tesla le sait, il se garde d'ailleurs désormais de donner un chiffre de puissance totale disponible. On connait par contre le poids, et là, pas de miracle. La Model S a un superbe chassis en aluminium, mais avec 2 moteurs et une grosse batterie, la masse est de 2262 kg. Avec une excellente répartition cependant, et un centre de gravité très bas, on ne s'en effraiera pas trop.
Intérieur et équipement
Beaucoup de modèles aujourd'hui ont des systèmes de démarrage sans clé, mais c'est Tesla qui nous semble avoir le meilleur système, puisqu'il n'est nécessaire de toucher à rien. On garde la télécommande dans sa poche, la voiture la détecte automatiquement, et se déverrouille. Une fois assis, le pied sur le frein, on met en
Drive, et cela roule. Pas de bouton
Start, ni de frein à main. La commande du frein de parking est associée à la position P de la transmission. En sus, les poignées de portes sont rétractables pour conserver une ligne fluide. Le point négatif du système étant que le système reste toujours en veille, et donc consomme de l'énergie, mais on peut heureusement le déconnecter. On déverrouillera alors l'auto en appuyant sur la télécommande. Dommage ensuite qu'une fois installé à bord, il soit difficile de ne pas ressentir un certain sentiment de travail inachevé.
Pas de vide-poches dans les portières, pas d'aumonières aux dos des sièges avants, pas d'accoudoir central sur la banquette arrière, le cache-bagages rigide n'est pas pratique. Le plus gênant est l'accoudoir central avant qui est coulissant, et qu'on ne peut bloquer. C'est comme l'histoire de l'homme qui se marie avec Miss Monde, et qui découvre d'un coup qu'elle ne sait pas faire la cuisine. C'est comme cela, une Renault Megane sera plus facile à vivre au quotidien. Mais qu'importe, la Tesla est l'électrique qui fait rêver, elle peut se permettre d'avoir des imperfections. Reste que la P90D de notre essai avait toutes les options, et qu'elle affichait un tarif qui fait tousser : 159 940 € ! On déduira le bonus pour les électriques de 6300 €, mais pour ce prix, certains ajustages devraient être plus soignés.
Au volant, le tableau de bord surprend en ce qu'il mélange l'utile et le futile. On est habitué à ce que le bloc d'instruments en face du conducteur soit réservé à la conduite, avec les loisirs sur l'écran central, mais Tesla s'affranchit de cette convention, en proposant d'afficher devant le conducteur les réglages de la climatisation ou de la musique. On regrettera aussi que le tableau de bord ne soit pas... Plus spécial. dans une voiture essence très puissante, il y a plein de choses. Compte-tours, manomètre de pression d'huile, température moteur... Pourrait-on ajouter un indicateur de température de batterie ? A défaut de compte-tours, la Model S a un indicateur de puissance, mais les graduations de 0 à 400 kW ne représentant que 120°, et c'est beaucoup moins lisible qu'un compte-tours où on verra au moins 180° entre 0 et 6000 tr/mn. Et au centre du cercle, il y a l'historique, soit un relevé de la puissance consommé à chaque minute. L'équivalent sur une essence serait d'afficher le régime moteur et le rapport engagé, relevés chaque minute pendant la dernière demie-heure. Pas sûr que ce soit efficace pour inciter le conducteur à lisser sa consommation.
Le point fort de l'habitacle est dans la grande tablette de la console centrale. Connaissant le prix des ordinateurs dans les supermarchés, il n'y a pas de quoi s'exciter, mais on appréciera la finesse des réglages que cela permet. Le revers de la médaille étant que par rapport à un bouton dont on peut mémoriser fonction et emplacement, il faut ici que les yeux quittent la route, pour naviguer dans les différents menus. Ce grand écran permet aussi de surfer sur le web (cela marche même en roulant, il n'y a pas de blocage de sécurité), et de consulter son agenda, ce qui est probablement bien, mais il n'est pas possible de créer un réseau wi-fi à partir de la connexion 3G de la voiture pour utiliser son ordinateur personnel, comme le proposent bien d'autres constructeurs.
A l'avantage de Tesla cependant, la connexion est offerte avec la voiture, sans limite de temps, ni de volume de données. Et ceci alors que le GPS affiche les vues satellite de Google Maps qui ne sont pas stockées sur quelque disque dur dans l'auto. Elles sont téléchargées en route, ce qui nous semble très maladroit. Sur les petites routes où nous avons essayé l'auto, la connexion était mauvaise, et il fallait attendre les images (ci-contre). Sans compter que Google Maps n'est pas à jour. Si on regarde les photos satellite de Boulogne, du côté des anciennes usines Renault, les photos de Google ont au moins 18 mois. Ce choix technique est sans doute bon pour la Californie, mais ailleurs, il faudra attendre plusieurs années pour qu'il prouve sa justesse. La Tesla Model S est aussi la seule voiture du marché à se mettre à jour automatiquement, comme le fait un ordinateur. Notre voiture d'essai avait le logiciel d'exploitation dans sa version 7. Les mises à jour se font à l'arrêt, après que le conducteur ait été prévenu, mais on se demande pendant combien de temps Tesla va assurer ce service gratuit. les ordinateurs nous donnent en effet un bien mauvais exemple, quand il n'y a plus de mises à jour, ni un seul logiciel qui fonctionne sur une machine de plus de 10 ans.
Performances et tenue de route
Les choses sérieuses ont commencé. Je suis parti sans un bruit, et la Tesla roule sans aucune vibration dans un confort remarquable, merci la suspension à air. La bretelle de l'autoroute n'est pas loin, je regarde la commande qui fait varier la puissance.
Sport ou
Démesurée (
Ludicrous en anglais). J'hésite à peu près 3 millièmes de seconde, et je mets
Démesurée. C'est pas devant un gateau au chocolat qu'on se met au régime. Il y a plus de 700 ch sous mon pied droit. C'est le bon choix. La commande d'accélérateur est très progressive, et je resterais ainsi tout le reste de mon essai. J'ai traversé des zones 30 km/h en toute facilité. De plus, le réglage
Sport ne correspond pas à un mode
Eco, c'est un limiteur de puissance. A 90 km/h stabilisés, la consommation d'énergie est la même entre les 2 modes, alors pas de raison de se priver. Sur la bretelle d'autoroute, j'appuie moyennement fort, et les sensations sont déjà bien velues. Il me tarde d'être sur la piste d'essais secrète où j'ai prévu de me rendre.
En attendant, je joue à ralentir pour mieux accélerer, passant plusieurs fois de 90 à 130 km/h, en changeant de file rapidement, et je suis étonné, épaté même, par l'efficacité des liaisons au sol. Tesla a bâti sa réputation sur ses groupes propulseurs, mais ses ingénieurs ont aussi une grande maitrise des suspensions. Elles sont au meilleur niveau, et on peut faire varier la hauteur de caisse comme sur les meilleures Citroën (mais avec moins d'amplitude). Je regrette tout de même le manque de réglage de la regénération au freinage. Il n'y a que 2 positions, mais la plus forte est moindre que celle d'une BMW i3, alors qu'on ne peut supprimer toute regénération et profiter au maximum de son élan, comme on le peut sur une Volkswagen e-up! ou e-Golf.
Je suis arrivé. Voilà, voilà. Il y a 1000 mètres d'une ligne parfaitement droite devant moi. Je me repositionne dans mon siège pour être parfaitement droit. Mon pied gauche appuie doucement sur la pédale de freins, mon pied droit est au repos. Dans un moment, mon pied gauche va se lever, et mon pied droit va appuyer à fond sur la pédale de droite. Je me frotte doucement la lèvre supérieure. Je mets mes mains à 10h10 sur le volant. Je pense à la scène finale du
Bon, la Brute et le Truand où les 3 cow-boys restent plusieurs minutes à se regarder avant de sortir les pétards et de flinguer. Plus de 700 ch et 930 Nm de couple vont être libérés d'un coup. Maintenant : Go.
Ahhh ! Je peux décrire la sensation en 2 mots.
Ca défonce la gueule. Littéralement. Mes épaules étaient collés au siège, cela je m'y attendais, mais j'ai aussi senti la peau de mon visage, sous mes yeux, de chaque côté du nez, et mes joues, qui étaient tirés vers l'arrière. C'est vraiment fort, et c'est trop, trop bon. Je m'en ressers une dose aussi sec. Encore ! Je repars doucement me remettre en position de départ, et cette fois, je décide faire durer l'exercice un peu plus longtemps. J'avais levé le pied à 140 km/h, je ne le lèverais pas avant 170 km/h. Cela durera pourtant moins de 10 secondes. Il reste que ces exercices répétés, après une conduite sportive, m'auront fait rencontrer les limites de la voiture. A l'arrêt, je ne retrouve plus le silence, un bruit de ventilation a envahi l'habitacle. Accélérateur à fond, la voiture envoie à ses 2 moteurs un courant de 1500 ampères, et pour sortir cela de la batterie, les cellules chauffent plus que normal. Le refroidissement s'est mis en route.
J'attends 2 minutes à l'arrêt, mais cela continue, et je désespère de ce tableau de bord, et de la tablette centrale, qui sont incapables de me dire ce qu'il se passe. Un thermomètre de batterie serait réellement utile ! Mais bon, il n'y a pas de quoi s'affoler. Sur une sportive essence, les ventilateurs se déclenchent sans conséquence. Mais pas ici. Je refais un test d'accélération, et comme je le craignais un peu, si je suis encore collé au siège, je ne ressens plus rien sur mon visage. La puissance a été réduite. Elle reste heureusement suffisante, puisqu'en faisant un nouveau test en regardant ma montre, je vois que je passe de 0 à 100 km/h en 5 secondes. Tesla dit que son auto fait cet exercice en 3 secondes, et c'est probablement vrai avec les batteries froides, mais on ne peut pas le faire plusieurs fois de suite. Peut-on alors dire du mal de l'auto du fait de cette inconstance ? Certainement pas. Sur le segment des voitures aux performances aussi extraordinaires, la fiabilité n'a jamais été grande, et on s'abstiendra de toute critique du constructeur américain, pour avoir choisi la sécurité de son groupe propulseur.
D'autant plus que cette Model S P90D bat toutes les autres autos super performantes pour sa facilité d'utilisation. On appuie sur l'accélérateur, et il n'y a rien d'autre à faire. A aucun moment, les pneus n'ont fait le plus petit bruit. L'anti-patinage est absolument parfait. Quand on met le pied au plancher, la voiture semble se tasser sur ses suspensions, avant de bondir comme un fauve, grâce au couple immédiat du moteur électrique. Le rythme baisse vite avec la vitesse cependant. Si la Tesla est imbattable de 0 à 50 km/h, plusieurs essences feront mieux qu'elle de 100 à 150 km/h. Mais la démonstration des capacités exceptionnelles d'une propulsion électrique haut de gamme est réussie, et c'est ce qui compte. Par ses performances fantastiques, la Model S fait beaucoup plus pour convaincre de la valeur de la propulsion électrique qu'une Nissan Leaf, ou qu'une Renault Zoé.
Consommation, efficacité énergétique
La caractéristique la plus importante d'une voiture électrique est habituellement son autonomie, mais la valeur est ici difficile à établir, tant elle peut varier dans de grandes proportions. Nous avons ainsi relevé des consommations moyennes de 20 à 45 kWh/100 km. On retiendra le chiffre de 20 kWh/100 km comme la valeur tranquille, avec une conduite sage. Mais qui va payer 150 000 € une auto de 700 ch pour rouler pépère ? Une Mercedes E63 AMG S ne consomme que 10,3 l/100 km en moyenne officielle, mais elle pourra très facilement consommer plus du double si le conducteur a le pied lourd, et l'autonomie ne dépassera guère les 300 km. C'est la même chose pour la Model S P90D. J'ai pris l'auto avec la batterie chargée à 97 %, et il ne restait plus que 10 % quand je l'ai rendu, après avoir parcouru 271 km.
Mes lecteurs auront compris que je n'ai pas fait preuve d'une grande modération dans l'usage de l'accélérateur lors de mon essai, mais de même le pouvoir absolu corrompt absolument, la puissance qui est là sous le pied, appelle à être utilisée. Dans le même esprit, je n'ai pas voulu expérimenter la foncion AutoPilot. Oui, cette Tesla propose un mode expérimental de conduite autonome, mais... J'aurais eu le sentiment de cracher dans la soupe si je l'avais enclenché. 700 ch sous le pied, et on voudrait que j'abandonne la conduite à un ordinateur ? Non, merci. Le système indique pourtant au tableau de bord qu'il est actif, et même sur des petites routes de campagne, on voyait affiché une image de l'auto, avec une ligne à gauche pour représenter la ligne blanche, et des reliefs changeants à droite, selon la hauteur du talus. La technologie de conduite autonome, douce et régulière, promet assurément une bonne exploitation de l'énergie, et donc d'augmenter l'autonomie, mais encore une fois, pourquoi acheter une auto aussi puissante, si c'est pour ne pas la conduire ?
Il faudra par contre la charger, et là, une prise ordinaire ne suffira pas. Sur une 230V 16A, il faudra en effet plus de 35 heures pour recharger l'auto. Le client devra donc équiper son garage d'une borne 11 kW (au moins 800 €) pour permettre la recharge nocturne en heures creuses, et elle nécessitera probablement de signer auprès de son fournisseur d'énergie un contrat plus gros, avec un abonnement à 500 € par an.
Conclusion
Tesla a gagné. Il s'était fixé l'objectif de faire avancer la cause de la mobilité électrique, et il a construit la première, et la seule, voiture électrique capable de rivaliser avec une essence. Le secret de sa réussite est simple, il est qu'il n'a pas fait dans... Le petit. Grosse batterie, gros moteur, mais aussi gros pneus. C'est un drame pour la voiture électrique, que la Renault Zoé, ou la BMW i3, soient dotés en standard de pneus étroits avec basse résistance au roulement. Ces pneumatiques sont dangereux, et devraient être interdits au nom de la sécurité. Sur la Tesla de notre essai, il y avait des 245/35 ZR 21 à l'avant, et des 265/35 ZR 21 à l'arrière. Des Michelin Pilot Super Sport, un des meilleurs pneus du marché ! Cela faisait vraiment plaisir de voir des gommes pareilles sur une électrique. C'est une toute autre conception que celles des autres constructeurs, qui font des voitures électriques pour plaire aux amateurs de voitures électriques. La Tesla Model S P90D, vendue avec un droit d'usage illimité de bornes très rapides (120/135 kW), plait aussi à ceux qui n'aiment pas les voitures électriques. Voilà qui change tout.
Laurent J. Masson
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