Le chèque transport ira aux sheiks
Mer 30/08/2006 — Après que le ministre des Finances en ait suggéré l'idée, le premier ministre s'est exprimé à la télévision pour annoncer aux français la création d'un futur « chèque transport ».
Dominique de Villepin a cependant donné des chiffres, 200 ou 100 euros. Ce premier montant serait pour les usagers des transports en commun, là où il y en a, le second pour les automobilistes là où il n'y en a pas. Alors on donnerait plus à ceux qui habitent dans les grandes agglomérations bien desservies par les transports publics, qu'aux petits provinciaux isolés ? C'est d'autant plus inégalitaire que ces 12 derniers mois, la hausse du prix des carburants a été bien supérieure à celle d'un ticket de train. Si ceci est une mesure de justice sociale, le premier ministre a un sens de l'équité qui n'appartient qu'à lui. Et ce n'est pas mieux côté politique économique, puisqu'avec un mécanisme qui fonctionnerait grâce à un allègement de charges, ce truc va rendre encore plus complexe la comptabilité des entreprises, et grever leurs charges, parce qu'il va bien falloir trouver un financement quelque part. Mais venons-en au pire, l'écologie.
Une fois de plus, le gouvernement veut subventionner le transport ! C'est une grande tradition française. Tous les transports en commun de France sont subventionnés. Tous les trains, tous les bus. La construction des autoroutes a été subventionnée. Celle des installations portuaires, des aéroports aussi. Et voilà maintenant qu'on se propose de subventionner les français pour qu'ils utilisent les transports ! Le français qui va travailler à pieds est-il un mauvais citoyen ? Devrait-il plutôt prendre sa voiture, en évitant soigneusement les raccourcis et en empruntant le chemin le plus long ? Ce serait bon pour l'économie. Plus de rentrées fiscales pour l'état.
Et si on autorisait le commerce de biodiesel et d'éthanol détaxé pour soulager la facture carburant des automobilistes ? Cela ne compliquerait pas la vie des entreprises, ni n'alourdirait leurs charges, pendant que cela donnerait travail et revenus aux pauvres paysans de province. Ils n'y ont pas pensé ? Et si on développait massivement le télétravail par de sérieuses incitations fiscales ? Ils n'y ont pas pensé non plus ? Dans son état actuel, ce projet de chèque transport, d'un montant trop faible pour inciter les automobilistes à s'équiper de véhicules moins énergivores, ne pourrait qu'aboutir à un plus grand usage des moyens de transports actuels, et enrichir ceux qui vendent les énergies fossiles grâce auxquelles ils tournent. Les vendeurs d'uranium pour ceux qui prennent le train, les marchands de pétrole pour ceux qui prennent la voiture.
Mais la réduction de la pollution, de la consommation d'énergies, ou des émissions des gazs à effet de serre, ce n'est pas le souci. Quel est le souci alors ? Cette mesure entrerait en vigueur au 1er janvier 2007, il y a une élection peu après.
Laurent J. Masson
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