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A Paris, un plan de déplacement d'air

Mar 13/02/2007   —   Le Conseil de Paris a adopté hier le fameux projet de Plan de déplacements de Paris (PDP), un vaste shéma de réorganisation des trans
Bertrand Delanoé et Denis Baupin, respectivement maire de Paris et adjoint chargé des transports, n'aiment pas la voiture individuelle. Leur langage en témoigne. Ils désignent les zones sans voitures comme des espaces civilisés (p.21), évoquent l'insécurité routière (p.29,54), et parlent de pacifier (p.21) pour expliquer leurs projets de diminuer la place laissée à l'automobile. Ce dernier terme est assez malheureux. Ces deux hommes sont en effet en fonction depuis 2001, et nous pensons qu'on peut attribuer à l'année 2004, le titre d'année charnière dans l'application de leur politique autophobe. Car c'est à compter de 2004 que les bus ont eu des couloirs élargis, et qu'on a diminué ceux laissés aux voitures. Les effets ont été rapides. Depuis 2004, le nombre de voitures en circulation à Paris, le nombre de déplacements effectués, ont tous les deux baissés. La vitesse moyenne à laquelle roule les voitures a également baissée. Mais contre toute logique, le nombre d'accidents a augmenté. Plus de blessés, plus de tués, mais ce n'est pas grave, ils continuent sur leur lancée.

C'est là qu'on voit une différence entre public et privé. Dans une entreprise, quand une politique donne des résultats inverses à ceux escomptés, on s'interroge, et on change de stratégie, mais ce n'est pas comme cela que cela se passe à la mairie de Paris sous Delanoé. On se demande d'ailleurs ce que pourraient faire les auteurs du PDP, s'ils étaient dans une entreprise commerciale, puisque le PDP n'est absolument pas un programme d'action, mais une liste d'idées. Une entreprise fait des business-plans, avec un calendrier, et budgète chaque étape, il n'y a rien de tout cela dans le PDP. Juste des idées, qui ne sont pas hiérarchisées, et sans qu'aucune priorité ne soit définie. On en voudrait, ou au moins une idée mobilisatrice. Comme à Berlin, qui mettra en service 250 bus à hydrogène dans 2 ans. Ou Londres, qui a un projet de plusieurs centaines de bus hybrides pour 2012. Voilà de grandes idées, sur lesquelles on peut en fédérer d'autres, mais il n'y en a pas une seule dans le PDP. Il n'y a même pas une idée nouvelle !

Il y a des douzaines d'idées, mais c'est le prolongement des lignes de métro, par exemple la ligne 4 jusqu'à Bagneux (p32), le développement des bus de nuit Noctilien (p.35), la création de navettes fluviales sur la Seine et les canaux (p.35), le développement du réseau cyclable (p.42,43), l'augmentation et l'amélioration de l'offre de taxis (p. 47,48), le développement de l’auto-partage, de la location et du covoiturage (p.49), la promotion de la découverte de Paris en modes « doux » pour les touristes (p. 70), etc... Toutes des bonnes idées, mais toutes connues de longue date. Le PDP a demandé plus d'un an de travail à toute une équipe de fonctionnaires territoriaux, on aurait apprécié d'y trouver une pincée d'originalité. M.Baupin a indiqué qu'il était pour la liberté, celle de posséder une voiture ou celle de « pouvoir s'en passer ». Quel beau programme ! On peut faire la même chose avec les impôts. Il suffit d'être au RMI, et on a la liberté de s'en passer ! Les parisiens sont déjà pauvres, ils ne possèdent en moyenne que 0,5 voiture par ménage, contre 0,9 pour les habitants de Londres et plus d'une voiture par ménage à Berlin, ce n'est pas avec ce PDP que cela va s'améliorer. Et pourquoi cela changerait puisque la carte orange sera gratuite (p.38) pour les rmistes à compter d'avril ?

A la limite, nous pourrions écrire qu'il n'y a pas de solution miracle, qu'il est presque normal de ne trouver aucune nouveauté dans le PDP, mais nous sommes obligés de réagir quand on y lit des idées irréalistes. Par exemple celle de mettre en place un guidage dynamique indiquant la disponibilité de places de stationnement vers les parcs publics (p.67). Cela voudrait signifier qu'à chaque instant, l'automobiliste circulant à Paris puisse être orienté vers les places de stationnement disponibles dans le quartier. Ceci implique qu'un ordinateur central connaisse en temps réel, l'état d'occupation de toutes les places de stationnement de la capitale, et que toutes les autos y soient reliés. Nous pensons que cela va coûter cher... Un scoop ensuite : le PDP affirme la nécessité de mieux exploiter l'offre de stationnement vacante (p.74). Il y aurait en effet 4000 places de stationnement vacantes à Paris ! Pour une nouvelle, c'est une nouvelle ! Nous voudrions bien savoir où elles se trouvent... Encore plus étonnant, le PDP propose d'étendre les zones touristiques où les autocars sont interdits de stationnement, tout en renforçant l’offre publique de stationnement spécifique, par la recherche de nouveaux sites de stationnement mieux répartis dans Paris (p.71). Des lieux actuellement disponibles, où on pourrait garer de nombreux autocars, nous en connaissons peu.

Enfin , le meilleur pour la fin, le complètement fou. Il existe déjà un observatoire des déplacements à Paris, le PDP suggère de lui adjoindre un comité scientifique (p.91). Ce serait bien, mais insuffisant, et c'est pourquoi il est proposé par ailleurs la création d'une Autorité Organisatrice de Proximité pour la gestion des transports collectifs de surface dans le cœur de l’agglomération (p.86). Cela va en faire des bureaucrates ! Des technocrates même, comme ceux qui ont écrit le PDP, et qui suggèrent, parce qu'il est souvent difficile de traverser la rue, de rendre ces traversées plus directes pour réduire les longueurs de cheminement (p.41). Dans notre expérience, tous les passages piétons que nous avons jamais vus étaient en ligne droite, mais on peut peut-être améliorer ? Enfin, pour les piétons désorientés, la mairie de Paris propose la création d'Agences Locales de Mobilité (p.40), où ils pourront trouver toutes les informations nécessaires à chacun de leurs périples hors de leur domicile.

Ce PDP prévoit une augmentation des déplacements à Paris intra-muros, il ne considère à aucun moment ce qui pourrait les réduire, seule solution réellement durable. Les rues débordent de voitures, et il y a jusqu'à 4 passagers au m² dans le métro aux heures de pointe. Transport individuel ou collectif, ni l'un ni l'autre ne sont une solution quand, personne allant au cinéma ou au travail, il y a 100 000 déplacements chaque jour pour chaque km² de la surface de Paris. En améliorant les infrastructures, le PDP va accroître encore cette densité, au détriment de la qualité de vie des parisiens. Il conviendrait plutôt de renverser la vapeur. Qu'on démolisse la Tour Montparnasse, ce ferait 5000 personnes en moins à travailler à Paris. Qu'on ferme des universités en demandant aux étudiants qu'ils suivent leurs cours sur Internet. C'est le tiers-monde qui a besoin de croissance, au niveau des transports, Paris doit absolument se mettre à l'heure de la décroissance.

Le plan de déplacement de Paris est accessible en cliquant ici (.pdf, 95 pages, 682 ko). Mais attention, ce texte n'est déjà plus à jour, il a reçu quelques 280 amendements, et s'il a été adopté par le conseil municipal, il ne deviendra applicable qu'après une enquête publique, suivi d'un nouveau vote, et ce sera après les prochaines élections minicipales. Nous espérons qu'alors, la capitale de la France sera dirigée par des gens plus ambitieux que léquipe qui a rédigée ce PDP. Car il ne dit pas un mot sur l'hydrogène, et qui pour les biocarburants, ne propose qu'un parc de bus zéro pétrole en 2026 (p.35). Il y a déjà des bus qui roulent à 100 % au biodiesel en Allemagne, il faudrait attendre 19 ans pour faire la même chose en France.

Laurent J. Masson



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