Velib, le progrès dans la régression
Lun 16/07/2007 — Nos enfants vivront mieux que nous. C'est ce qui a longtemps motivé les parents. Mais après l'urbanisation incontrôlée, Vélib vient mettre l'idée à mal.
C'était pile il y a 50 ans que Fiat lançait sa 500 (ci-contre la nouvelle). Une petite voiture économique pour les jeunes ménages qui voulaient accéder à l'automobile. Et quand on évoquait le futur en 1957, on pensait toujours que chacun disposerait de sa propre auto. Une voiture à réaction, c'est ce qu'on lisait dans les bandes dessinées de l'époque pour l'an 2000. Ils auraient été tristes les parisiens de 1957, si on leur avait dit que leurs petits enfants devraient se déplacer en vélos, avec Vélib, sur des vélos qui ne leur appartiendraient même pas. « J'ai la voiture devant la porte, garée à sa place, je la prend quand je veux pour aller où je veux ». Ce ne sont pas les mots d'un grand bourgeois, mais ceux d'un français de province, qui en 2007, habite un quartier tranquille d'une ville moyenne.
Malheureusement pour les parisiens, et les habitants de quelques autres grandes villes, il leur devient chaque jour plus difficile de jouir de la liberté de posséder une voiture, pour qu'ils puissent se rendre où bon leur semble. Le nombre de places de stationnement de surface a été réduit, et la densité de la population s'est accru. Il y a moins de ressources pour plus de gens, et ce sera pire demain, puisque tant le maire actuel, Bertrand Delanoé, que son challenger déclaré, Mme Françoise de Panafieu, ont promis de nouveaux logements dans la capitale. Plus personne ne parle de construire des villes nouvelles, comme l'avait organisé Paul Delouvrier dans les années 1960, ou de délocalisations vers la province, comme on l'avait fait pour quelques administrations dans les annes 1980. Quel sera le premier ministère délocalisé vers le Massif Central ? En attendant cela, les différences de conditions de vie entre le provincial et le parisien s'accroissent.
Les parisiens aimeraient probablement des logements plus grands, et une voiture non polluante pour chacun (électrique, sur batteries ou pile à combustible), mais ils ont des logements toujours plus petits. Et au nom de l'écologie, on les invite aujourd'hui à ne plus avoir de moyen de locomotion personnel. Soit ils prennent les transports en commun, soit ils louent un vélo, soient ils souscrivent à l'auto-partage. D'après Céline Lepault, la chef de projet Vélib à la mairie de Paris, il y a déjà 15 000 abonnés au service, ce qui est bien. Mais à la question de savoir pourquoi les parisiens ne peuvent avoir leur propre vélo, quel malheur que ce soit parce que l'insécurité y est trop grande. Il y a un trop grand risque en laissant un vélo dans la rue, à le retrouver détérioré, si ce n'est disparu. C'est alors JC Decaux qui prendra ce risque pour Vélib, en échange de panneaux publicitaires.
Si Vélib parvient à faire faire de l'exercice à des parisiens qui n'en faisaient pas, ce sera bien. Mais il y a de quoi s'interroger sur les avantages écologiques du projet. Velib va t-il réduire les émissions de CO2 de la ville ? Améliorer la qualité de l'air ? Il n'y a aucun élément pour l'affirmer. Si ce sont des automobilistes qui passent à Velib, voilà qui serait effectif. Mais si ce sont des gens qui auparavant prenaient le métro, le gain est nul... Tandis que la congestion des voies de circulation ne va pas s'améliorer, puisqu'on a réduit la surface des chaussées et des trottoirs pour créer 750 stations Vélib (et il y en aura 1451 à la fin de l'année). Nous pensons qu'on aura beaucoup de peine à trouver des avantages quantifiables à Vélib. Mais le simple spectacle de nombreuses personnes se déplaçant grâce à leur force musculaire est assurément déjà un motif de satisfaction.
Ensuite, nous applaudissons la rapidité d'éxécution du projet. En quelques semaines seulement, on a installé des centaines de bornes-stations équipés de lecteurs de cartes bancaires, conçus, fabriqués et déployés des milliers de vélos... Si seulement on pouvait faire le même effort pour installer des éoliennes sous-marines, produire du biohydrogène et fabriquer des voitures électriques... Veut-on que nos enfants vivent mieux que nous, oui ou non ?
Laurent J. Masson
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