Bonne nouvelle, les carburants augmentent
Lun 02/06/2008 — Réjouissons-nous, nous allons vers un monde meilleur. Mais attention à la casse pendant la transition.
Notre société est paradoxale. Le réchauffement climatique est un fait acquis pour une majorité de la population, nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut agir, et qu'il faut faire des économies d'énergie, mais quand le moyen de parvenir à ces si désirables objectifs est devant nous, nous sommes peu nombreux à nous en réjouir. Ce moyen est la hausse du prix des hydrocarbures fossiles. On voit la hausse des carburants comme un problème, elle est au contraire une solution. Des solutions même, à des dizaines de problèmes qui empoisonnent le pays. On se trompe si on regarde les pêcheurs avec un regard sympathique. Leurs petites entreprises ont un côté humain, cela est vrai. Mais par l'exploitation des ressources halieutiques sans pensée pour le long terme comme ils la pratiquent, ils ne valent pas mieux que les grosses sociétés pétrolières. Les populations de poissons vivant en Atlantique et en Méditerranée ne se renouvellent plus du fait de la surpêche. Le poisson est une ressource qui va devenir fossile, si on ne réduit pas de toute urgence les activités des pêcheurs. On peut même expliquer qu'en déstabilisant les milieux marins, les pêcheurs sont comme les fabricants d'OGM. Il faut alors avoir le courage de dire qu'une entreprise de pêche qui fait faillite est une bonne nouvelle, même si elle est un drame humain, face à laquelle on envisagera une aide à la reconversion.
Les routiers ? Qui aime les camions sur les routes ? A peu près tout ce qui peut renchérir le coût du transport de marchandises est une bonne chose. Elle est loin l'époque où une émission de radio pouvait dire que les routiers étaient sympas. Avec l'augmentation exponentielle, et totalement débridée des échanges mondiaux, il y a tous les jours des douzaines de milliers de poids lourds sur les routes de France. Ceci n'est pas durable. Et tout mettre sur des rails n'est pas plus possible que ce n'est une solution, c'est le volume des échanges qu'il faut réduire, et mettre des milliers de camions au musée (ci-contre). C'est justement par le renchérissement du coût du transport qu'on y arrivera, car il permet de renforcer la compétitivité des productions locales face à celles des pays à bas salaires. Les particuliers enfin. Tous les français, partout dans l'hexagone, pourraient (exemple de déploiement d'une technologie renouvelable) avoir des chauffe-eaux solaires. Pour atteindre ce but, l'augmentation du coût d'usage des chauffe-eaux fonctionnant avec des hydrocarbures fossiles (par exemple au gaz) est un bon levier d'incitation. Mais le drame de la hausse des carburants, la tragédie même, est que tous les leaders politiques ne savent appeler qu'à des actions sédatives.
Le parti socialiste appelle à un retour de la TIPP flottante, et à l'instauration du chèque transport. Que l'UFC réclame aussi, avec une prime à la cuve augmentée. Et le président de la république d'en rajouter (il y a 10 jours sur RTL), avec l'idée de forfaitiser la TVA sur les carburants. C'est dire qu'une fois le prix du pétrole à un certain seuil, le taux de TVA applicable aux carburants serait abaissé, pour minorer la hausse du pétrole au consommateur de carburant. L'idée est que tout doit pouvoir continuer comme si de rien. Elle n'est jamais clairement exprimée, mais elle est défendue une seconde fois par M. Sarkozy, avec la proposition de création d'un fonds d'assistance pour les français les plus exposés à la hausse du pétrole. Le pétrole est une resource fossile qui est de plus en plus chère et qui s'épuise, mais le but de la politique serait de masquer cette réalité. Ségolène Royal le dit aussi (mardi dernier sur RMC), il faut baisser la fiscalité sur le prix de l'essence, de même tous les autres responsables politiques. Et qui sera le premier à proposer une boite de Prozac par mois pour chaque français ?
On l'appelle l'or noir, mais on ne peut en faire des bijoux. Le pétrole est un liquide nauséabond, gluant et malodorant, qui salit tout ce qu'il touche, et pollue tout ce qui est à sa proximité. Plus il sera cher, moins nous aurons les moyens d'en acheter, plus nous serons incités à faire des économies d'énergie, et nous tourner vers les énergies renouvelables. C'est ainsi que nous irons vers un monde meilleur. Le gouvernement peut néanmoins faciliter le changement, aider ceux qui souffrent le plus de la hausse du pétrole, en abaissant les coûts associés, comme les frais d'immatriculation des véhicules, les péages autoroutiers, et la taxe professionnelle sur le matériel roulant pour les entreprises.
Laurent J. Masson
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