Carlos Ghosn, joueur de poker
Ven 10/12/2010 — Le PDG de l'alliance Renault-Nissan parle de voiture électrique.
« Le véhicule électrique sera à la voiture ce que l’iPhone est au téléphone. Notre but est de retrouver la modernité dans l’industrie automobile et de bâtir le chemin vers un avenir plus vert, plus propre et plus calme dans nos villes. » Dans sa conférence d'avant-hier (vidéo ci-dessous), Carlos Ghosn a fait une comparaison étrange, il a plusieurs fois établi des parallèles entre l'automobile et la téléphonie mobile. Nous n'aurions jamais pensé qu'un dirigeant de l'industrie automobile puisse faire cela, tant ces 2 produits sont différents. M. Ghosn a ainsi évoqué les progrès formidables entre les smartphones d'aujourd'hui, et les gros boitiers qu'on avait comme téléphone mobile il y a 20 ans. Cette comparaison nous semble maladroite parce qu'il est impossible d'espérer le même rythme de progrès sur nos voitures, des produits considérablement plus complexes. Concevoir une voiture est un travail de plusieurs années, et la construire requiert un site énorme, avec une organisation ultra sophistiquée qui a requis un flux tendu de livraisons avec plusieurs douzaines de fournisseurs. Le site de production seul a lui aussi requis plusieurs années de développement, et il exigera plusieurs autres années, à fabriquer un produit similaire, ou faiblement modifié, pour être rentabilisé. Quand les fabricants de téléphones mobiles sortent des nouveaux modèles tous les 6 mois, il n'est pas possible d'avoir un tel rythme dans l'industrie auto. Les modifications de software sont rapides, mais si on veut changer un parechoc, ce ne sera pas plus rapide avec les voitures électriques.
M. Ghosn le sait mieux que personne. Nous voyons plutôt dans son discours la volonté de séduire la clientèle des férus des dernières technologies, qui en toute logique, devrait d'ailleurs être acquise à la cause de la voiture électrique. Mais on dira surtout que Renault joue gros. Sur le marché français qui devrait être en baisse de 2 % en 2010, en dépit de la prime à la casse, Renault baisserait encore plus, de 3 %. Et comme on ne peut guère compter sur la grande berline Latitude pour redresser les ventes, cette baisse des ventes devrait s'amplifier jusqu'à la sortie de la quatrième génération de la Clio début 2012. Sauf à oublier l'entrée en scène du joker : les versions électriques des Kangoo et Fluence, qui arriveront au second semestre 2011.
Considérant que Renault est très mal implanté sur les 2 gros marchés qui ont la plus forte croissance, l'Inde et la Chine, beaucoup repose sur le succès de ces modèles électriques. Il y a heureusement de nombreuses raisons de se montrer confiant envers le succès du pari de Renault. L'alliance Renault-Nissan sera leader mondial de la voiture électrique au moins jusqu'en 2015, et les ventes seront nombreuses.
Mais on ne peut qu'être estomaqué par les risques que prend ce constructeur. Quand les autres constructeurs avancent vers l'électrique à pas feutré, Carlos Ghosn joue au poker, et il mise gros !
Rubrique(s) et mot(s)-clé : Renault ; voiture-electrique