Terres rares, la voiture électrique en danger ?
Jeu 30/12/2010 — La Chine nous éclaire sur la réalité du monde de demain.
Nous vivons encore une époque d'abondance, et le pétrole en témoigne bien : les pays qui en ont le vendent à qui veut bien l'acheter. La seule régulation du marché se fait par les prix. L'idée du peak-oil est bien connue, mais il y en a une autre que nous allons découvrir dans la douleur, celle que les ressources étrangères dont nous avons besoin, les étrangers ne voudront plus nous la vendre. Il y a par exemple le cas du blé, qu'on a vu l'été dernier. Suite aux grands incendies qu'a connu la Russie, ce pays qui était auparavant un gros exportateur a décidé d'un coup de réserver toute sa production pour sa consommation personnelle. Ce n'est heureusement pas grave. La France et toute l'Europe produisent du blé par elles-mêmes en quantité plus que suffisante pour leurs besoins.C'est plus embêtant pour les terres rares, ces métaux dont le néodyme (photo) est le plus important puisqu'il sert à fabriquer des aimants. On en a besoin dans un moteur électrique (entre autres choses). La Chine est de très loin le premier producteur mondial, et elle est train de mettre sur pied un organisme équivalent aux ministères du pétrole des pays du golfe persique. Les acheteurs de terres rares devront traiter directement avec les dirigeants chinois, lesquels ne sont pas aussi commodes que les saoudiens. Ils ont déjà décidé que les exportations seraient réduites de 10 % en 2011.
Vu le faible nombre de voitures électriques produites en France (!), ce n'est pas un sujet d'inquiétude pour le court terme, mais il faut voir qu'en privilégiant les besoins de son industrie nationale, la Chine se dote d'un avantage quantitatif supplémentaire pour le développement du transport électrique. Soyons clairs. Il faut du néodyme pour le moteur électrique d'une Prius, comme celui d'un roadster Tesla, ou d'une éolienne. 100 % des bons moteurs électriques utilisent des aimants au néodyme. Ce n'est pas la première fois que les chinois décident unilatéralement de réduire leurs exportations et ce ne sera pas la dernière. Alors à côté de la recherche qui tentera de réduire les besoins en néodyme, comme on a considérablement réduit les besoins de platine d'une pile à combustible, c'est une fantastique opportunité pour l'industrie minière partout dans le monde. Mais il reste à voir si cette industrie a encore un avenir en Europe.
La grande époque de l'industrie minière en France a été décrite par Zola, et s'il y a beaucoup de mineurs en Chine aujourd'hui, c'est parce que ce pays n'a pas de code travail, ni de code de l'environnement, comme on en a en Europe. Il y a de solides réserves en Scandinavie, et aussi de fortes chances pour qu'il y ait des terres rares dans le Massif Central. Comme il y a aussi quelques vieilles mines d'antimoine en Auvergne, lui aussi une ressource importante. Pourra t-on les exploiter ?
Le gouvernement a il y a peu accordé des concessions pour prospecter le gaz de schiste, dans l'Aveyron et dans la Drôme. Plusieurs associations s'en sont déjà alarmées. Ce serait pourtant une occasion de démontrer qu'il est possible de développer en France une nouvelle industrie minière, respectueuse de l'environnement. Parce qu'il est un peu facile de dire qu'on ne veut pas de cela chez nous, alors qu'on veut profiter sans vergogne des produits réalisés avec ces matières, quand ils viennent de l'étranger, et qu'on ignore tout des conditions de leur extraction et production.
Les quelques personnes qui ont déjà manifestées contre l'exploitation du gaz de schiste en France préfèrent faire venir le gaz russe ! Les Peugeot et Citroën électriques sont aujourd'hui fabriquées au Japon, elles le seront demain en Chine. La France ne sera pas concernée par les restrictions chinoises. Mais si on voulait construire en France des voitures électriques en grande série, ou des grosses éoliennes, il faudrait se soucier des approvisionnements en matières premières.
Laurent J. Masson
Rubrique(s) et mot(s)-clé : hors-constructeur ; ecologie