Les sous-entendus de la transition énergétique
Jeu 19/06/2014 — Ces petits détails qui fâchent.
C'était hier un des plus grands jours de la vie de Mme Ségolène Royal, la ministre de l'écologie. Elle a présenté son projet d'un nouveau modèle énergétique français, afin d'assurer la transition entre les énergies fossiles du passé et les renouvelables de demain. Les grands axes du projet sont contenus dans un document de 29 pages. Il y a beaucoup d'idées, peut-être un peu trop, comme si on avait voulu noyer le poisson, parce qu'il manque le détail des idées principales. La première est que la part des énergies renouvelables dans la production d'électricité, aujourd'hui de 15 %, doit passer à 40 % en 2025, au détriment du nucléaire, qui descendrait de 75 à 50 %. Pour ceux qui ne sont pas familiers des chiffres, cela implique la fermeture de 18 centrales nucléaires (lesquelles ?), et la construction d'au moins 20 000 éoliennes d'une puissance de 1 mégawatt chacune. Si c'est possible, il faut dire clairement que cela va coûter plusieurs dizaines de milliards d'euros par an, tous les ans jusqu'à 2025, et préciser où on va trouver ces sommes colossales.Une seconde idée est de diviser par deux la consommation nationale d'énergie d'ici 2050. Une voiture qui consomme 6 l/100 km ne devra plus consommer que 3 l/100 km. Les réfrigérateurs, les chauffages, les télévisions, tout devra consommer 2 fois moins d'ici 2050. Le progrès technologique peut probablement permettre cela, mais comment ne pas remarquer qu'avec la hausse du niveau de vie, la consommation n'a toujours fait qu'augmenter ces dernières décennies.
Il n'y a ne serait-ce qu'une génération en France, très peu de gens avaient l'air conditionné à leur domicile, et il n'y avait qu'un téléviseur par foyer. Il y a maintenant plusieurs téléviseurs aux écrans toujours plus grands (et plus énergivores) dans presque tous les logements, et même les enfants ont des téléphones portables. Il ne s'agit pas d'être contre le progrès, mais le nombre d'appareils électriques par habitant est en augmentation constante, et les gens n'ont jamais autant voyagé. Plus de 100 000 français l'hiver dernier ont pris l'avion pour aller quelques jours au Maroc. Pour consommer moins d'énergie, on peut certes prendre le train pour aller à Clermont Ferrand, où l'on mange très bien, mais il y en aura qui vont regretter les plages de Marrakesh ou d'Agadir...
Sans oublier qu'il y a plus de 5 millions de français qui ont très peu de moyens, puisqu'ils sont au chomage et/ou au RSA. Pourvu que leur pouvoir d'achat n'augmente pas, ils seraient incités à consommer plus ! Quand dans le même temps, on veut aussi redresser la production industrielle, et que la population augmente par une immigration mal contrôlée, il faut vraiment mettre des espoirs formidables dans le progrès technique, pour croire qu'on puisse simultanément réduire la consommation d'énergie de moitié.
Laurent J. Masson
Rubrique(s) et mot(s)-clé : hors-constructeur ; ecologie