L'état va t-il nuire à Renault ?
Ven 01/05/2015 — Presque la question des français de souche.
Et si on remettait en cause la démocratie, en décrétant d'un coup que les votes des français qui vivent en métropole compteraient double, pour deux, pendant que les votes des français qui vivent en Corse ou dans les DOM-TOM, ne compteraient toujours que pour un ? Cela ferait un joli scandale, mais quand cela vient de se passer chez Renault, l'opposition est bien faible. Chez la marque au losange en effet, une nette majorité, 60,53 % des actionnaires se sont déclarés contre ce projet, mais cela n'a pas suffit, puisque la loi, qui dicte ce principe de préférence nationale, dit qu'il faut une majorité des deux tiers pour s'y opposer. Les actionnaires Renault (au nominatif) de longue date qui sont ressortissants européens ont désormais un droit de vote double, et le premier d'entre eux n'est autre que l'état français. Ce qui n'est pas sans poser problème. L'état avait 15 % du capital de Renault, il a porté sa participation à 19,7 en catimini, et il devrait (?) revendre les actions nouvellement acquises pour faire retomber sa participation à 15 %. Mais parce que ses droits seront doublés, ce sera comme s'il en avait 30 %. Et cela n'est pas sans poser problème.On aime ou on n'aime pas Carlos Ghosn, le bouillant patron de l'alliance, mais tout le monde doit reconnaitre qu'avec lui, l'alliance Renault-Nissan vit une belle période de croissance, parce qu'il prend les bonnes décisions pour que les produits se vendent, et que l'entreprise soit profitable, avec les actionnaires qui touchent des dividendes. Avec le succès de l'entreprise comme seule règle, on sait où on va. Mais si le pouvoir politique obtient un pouvoir de blocage, tout est beaucoup moins clair. Seuls 39 % des actionnaires ont soutenu la motion qui allait aboutir à renforcer le pouvoir de l'état, donc du gouvernement, c'est dire leur défiance vis-à-vis du trio Hollande/Valls/Macron pour prendre les bonnes décisions dans le domaine de l'économie. Que connaissent-ils de l'industrie automobile ?
Ces 39 % sont pourtant un nombre important, puisqu'obtenu en France. La défiance envers le gouvernement français est évidemment encore bien plus grande à l'étranger. En Allemagne bien sûr (Daimler est actionnaire de Renault), et tout particulièrement au Japon, où du fait de la participation majoritaire de Renault dans Nissan, le gouvernement français se retrouve avec un certain pouvoir de contrôle sur des milliers d'emplois japonais. On ne croit pas pour autant que l'état va faire pression pour fermer des usines Nissan au Japon, et les relocaliser en France, mais le délicat équilibre entre Renault et Nissan est désormais sur une balançoire. Quant il y a tellement d'exemples de fusions ratées (BMW avec Rover, GM avec Saab, Ford avec Jaguar...), on frémit des conséquences que pourrait avoir cette nouvelle donne, surtout pour le jour où Carlos Ghosn partira en retraite.
Laurent J. Masson
Rubrique(s) et mot(s)-clé : Renault ; industrie-production