Le chemin de fer, ce futur cimetière
Ven 05/05/2017 — Prospective sur la mobilité du futur.
On a presque pris l'habitude d'opposer le rail et la route. Mais on le fait depuis si longtemps, presque sans réfléchir, qu'il est devenu opportun de reconsidérer les arguments de chacun, au vu des derniers progrès de la technologie.Les aspects financiers
Le transport ferroviaire est perçu par beaucoup comme abordable, regardons les prix. Un trajet aller simple de Nantes à Rennes, 113 km, coûte 26,30 € pour un adulte en seconde classe, avec la SNCF. Ce qui fait 23 centimes le kilomètre. Un trajet d'Orléans au Mans, 140 km, coûte 33,80 €. Soit 24 centimes le km. De Lyon à Clermont-Ferrand, 161 km, 35,50 €. 22 centimes le km. Pour être juste, il faut ajouter que la SNCF fait beaucoup d'offres spéciales. Sur les lignes où il y a concurrence avec l'avion, par exemple Paris-Nice, il y a des tarifs très attractifs. Le défaut est que les tarifs sont d'une complexité inouïe. Sur Paris-Nice, il y a 10 trains différents avec 10 tarifs différents, et même plusieurs tarifs pour chaque train, qui en plus changent d'un jour à l'autre... Nos exemples de tarifs sont pour le tarif normal, hors de toute réduction, et ils placent la SNCF très nettement au-delà des prix... Du covoiturage. Avec Blablacar, les tarifs pour Nantes-Rennes, Orléans-Le Mans et Lyon-Clermont Ferrand sont ainsi, respectivement, de 6 € ; 12 € et 14 €. La SNCF est aussi très nettement plus chère que l'autocar. Flixbus propose ainsi le trajet Nantes-Rennes pour 5 €, Orléans-Le Mans pour 16,90 € (avec un changement), et Lyon-Clermont Ferrand pour 6,90 €. Et même pour l'automobiliste, celui qui a une vieille voiture ou qui roule électrique, se déplace pour moins de 20 centimes le kilomètre.Les aspects environnementaux
Ce serait là le grand atout du rail. Le train polluerait peu. Et c'est vrai que sur les quelques 30 000 km du réseau ferré de France, 15 687 km sont électrifiés. Juste un peu plus de la moitié, mais si on considère la densité du trafic, on peut écrire que le réseau est très majoritairement électrifié. Ce ne sont que les petites lignes de province qui ne le sont pas (encore). Si on regarde le détail pourtant, il faut ajouter que les locomotives diesel toujours en circulation sont une calamité. Elles ne sont pas soumises aux normes applicables aux automobiles. Une locomotive diesel rejette plus de Nox que 1000 voitures ! Quant aux locomotives électriques, si elles sont aujourd'hui avantageuses par rapport à la voiture moyenne, il faut s'interroger sur le maintien de cette supériorité dans le temps. Parce que comme les lecteurs de MoteurNature le savent bien, le parc automobile est en voie d'électrification. Il y a aussi dans plusieurs villes quelques autobus électriques en circulation, et des autocars électriques déjà sont en test. Idem des poids lourds. On pourra même voir une supériorité dans les véhicules électriques routiers, parce qu'ils ont leur énergie embarquée, alors que le train a besoin d'une alimentation constante. Il est possible avec une voiture électrique de recharger quand le soleil est à son zénith, ou quand le vent souffle le plus fort, ce ne l'est pas avec un train.L'aspect sociétal
Il y a cette idée étrange en France que le train, le transport ferroviaire, n'est pas un service comme les autres, c'est un service public. La SNCF ne serait donc comparable en rien à, par exemple, Easyjet, société 100 % capitaliste, presque toujours moins chère que la SNCF sur un Paris-Nice, et dont les employés ne se mettent pas régulièrement en grève. Les chauffeurs de taxi délivrent eux aussi un service de transport, sur courte distance, qu'on peut comparer au rail, et enfin, il y a l'éléphant dans le magasin de porcelaine, Uber, et les nouveaux services de mobilité à la demande. Mais qu'est-ce que le transport ferroviaire ? Si un milliardaire décidait de construire un réseau d'autoroutes privées, où seuls auraient le droit de circuler les véhicules de ce milliardaire, et qu'il vende ensuite des places dans ces véhicules, en quoi cela serait-il différent de ce que fait la SNCF ? Parce que si le réseau ferré est public, pourquoi un particulier n'a t-il pas le droit d'acheter une petite locomotive, et d'y circuler ? Dans la pratique, comme dans les textes de lois, il y a une exception du rail, par rapport aux autres services de transport, mais par quoi peut-on la justifier, au XXI° siècle ?L'avenir
C'est la voiture autonome. On sort de chez soi, un appel sur son smartphone, et une voiture apparaît, prête à emmener son passager où il le désire. Science-fiction ? Non. Si on rapporte ce progrès avec les échéances électorales de la France, ces autos seront dans la rue avant la fin du nouveau quinquennat. Le prix sera sans doute un peu élevé au départ, mais on aura une voiture pour soi seul, enfin, éventuellement avec d'autres passagers (sans surcoût), et le trajet ne sera pas de gare à gare, mais de porte à porte.Conclusion
Nous voyons le transport ferroviaire dans un étau. Avec d'un côté, les services de covoiturage et de transport par autocar, qui sont beaucoup moins chers, et d'un autre, la voiture autonome, qui prodiguera un service plus haut de gamme. Pour autant, le ferroviaire conservera tout son sens sur les trajets où la demande est très forte. On pense par exemple, à la ligne A du RER, où à la ligne entre Cannes et Nice sur la côte d'azur. Mais ces quelques cas isolés mis à part, l'avenir du transport ferroviaire est sombre. Ténébreux. Cela signifie l'urgence de faire des réformes, et de geler tous les investissements, matériels ou embauches, dans ces infrastructures obsolètes.Rubrique(s) et mot(s)-clé : hors-constructeur ; politique-transport_France ; ecologie