Reportage : la voiture électrique en Grèce
Lun 04/12/2017 — MoteurNature chez les grecs.
Il y a quelque semaines, l'association européenne des constructeurs auto (ACEA), publiait des chiffres montrant les inégalités dans le développement des ventes des voitures électriques en Europe. La Norvège est leader, la France est en très bonne position, et la Grèce est dernière. Seulement 32 voitures électriques ont été vendues chez les héllènes l'année dernière. Pour comprendre le pourquoi de cette situation, notre rédaction a validé un voyage sur place.Reportage réalisé à Thessalonique, du 27 novembre au 1er décembre.
Nous avions choisi d'éviter la capitale, Athènes, parce qu'une capitale est rarement représentative d'un pays, pour nous orienter vers Thessalonique, la seconde plus grande ville de Grèce. Mais après 5 jours sur place, et plusieurs centaines de km parcourus, en ville, sur les routes et autoroutes (arrivée en venant du Nord, de Skopje, départ vers Tirana, à l'Ouest), notre constat ne souffre d'aucune ambiguïté : nous n'avons vu aucune voiture électrique en ces 5 jours ! Le seul véhicule électrique que nous avons eu la chance (!) de croiser était un scooter. Il fallait comprendre pourquoi.
Le prix de l'énergie
Dans la plupart des pays, rouler en voiture électrique permet de faire des économies. Les prix des carburants pétroliers ont été faciles à trouver. Un peu plus chers qu'en France, ils sont moins élevés qu'en Italie. Une surprise fut de trouver l'essence avec un indice d'octane de 100. Deux points de mieux que le sans-plomb 98, et ceux qui préparent les moteurs s'en réjouiront. Pour ce qui est de l'électricité, depuis la privatisation d'il y a quelques années, il y a 5 fournisseurs d'électricité dans le pays, et les prix sont plutôt dans la moyenne basse européenne. Avec des forfaits, on peut acheter de l'électricité à moins de 10 centimes le kWh en Grèce. Rien d'étonnant alors à ce qu'on trouve de puissants radiateurs électriques dans les magasins.L'offre des constructeurs
Le hasard avait bien fait les choses, puisqu'arrivant par l'autoroute du Nord, nous passons devant la concession Nissan. Mais il n'y avait là aucune Leaf (l'électrique la plus vendue au monde), pas plus neuve que d'occasion. Une poignée de Leaf auraient pourtant été vendues dans le pays. Nous aurons tout de même remarqué les Nissan Qashqai (diesel) des garde-côtes. Ces gens se déplacent-ils beaucoup en voiture ? A l'heure du remplacement, il serait sans doute possible de leur proposer des Leaf...Chez Renault, la situation est simple, puisqu'aucune électrique n'est disponible. Les Zoé, Kangoo et Twizy ne sont pas commercialisés en Grèce. Les seules électriques disponibles sont alors les produits des marques allemandes (toujours les rois de l'exportation), la BMW i3 et la Smart Fortwo. On félicitera alors ces deux constructeurs, et on blâmera les absents. Parce qu'il est évident qu'avec une offre aussi réduite, et des produits aussi typés que ces deux là, les clients ne risquent pas de se bousculer.
La fiscalité automobile
Les voitures électriques ont droit à la gratuité d'immatriculation, et elles sont exemptées du paiement de la taxe annuelle de circulation. Mais il n'y a pas de bonus ou de prime à l'acquisition, comme il y en a en France ou en Allemagne. Les voitures électriques sont de plus taxées au même taux de TVA de 24 % que les autres, alors qu'on rappelle qu'elles sont exemptées de TVA en Norvège. La Grèce n'a tout simplement pas les moyens d'offrir des primes aux acquéreurs d'électriques, et un système de bonus-malus n'est pas non plus envisageable, tant les frais d'immatriculation sont déjà terriblement élevés (ils sont liés au prix de la voiture).L'attrait des énergies renouvelables et du zéro émission
La Grèce a un atout : un excellent ensoleillement. Mais de la terrasse sur le toit de notre hôtel, nous n'avons vu aucun panneau de cellules photovoltaïques. Quelques chauffe-eaux solaires, avec les ballons en hauteur, comme cela se fait dans ce pays, mais il s'agissait de petites initiatives isolées.Les goûts des automobilistes grecs
Les taxis donnent une bonne image du parc auto d'un pays, et celle des taxis grecs n'est pas reluisante. Ce sont presque tous des diesels. Sur les centaines de taxis que nous avons croisé, nous n'avons vu que 2 Prius. Une Prius 2 et une Prius 3. La marque préférée des chauffeurs est Skoda, avec un grand nombre d'Octavia de première génération. Des Toyota Avensis, quelques Mercedes classe E, mais générations W210 et W211 (plus de 10 ans). Plusieurs Peugeot 406, une 407, une seule 508, mais pas mal de nouvelles Peugeot 301. D'une manière générale, les grecs préfèrent très visiblement les carrosseries classiques à 3 volumes, et la 301 est probablement un bon produit pour ce marché.Autre signe de cette préférence, le très faible nombre de voitures hybrides, sinon des anciennes Honda. Nous fûmes surpris de voir plus d'anciennes Civic hybrides (celles de 2007/2010, avec la carrosserie 3 volumes) que d'hybrides Toyota, Prius ou Auris, avec une carrosserie à hayon. Enfin, la majorité des autos sont des segments B et C, mais peu d'autos du segment A (Citroën C1 ou Renault Twingo), et très peu de Smart.
Triste conclusion après discussions
A côté de nos observations, nous avons pu converser avec un vendeur de voitures neuves et un employé de banque, et avec eux nous avons pu comprendre la réalité du marché auto local. On sait que les finances du pays sont mauvaises, ce qui déteint sur les banques, et donc les crédits à la consommation. Quand en France ou au Royaume-Uni, il est très facile d'acheter une voiture neuve à crédit dans de bonnes conditions, les taux sont plus élevés en Grèce, et les dossiers plus difficiles à monter. Le prix de vente est le critère d'achat numéro un. Tout est là, et c'est amer car cela fait s'interroger sur la réalité du succès de la voiture électrique en France.Il y a moins d'argent en Grèce, c'est un fait certain. L'illustration ci-dessus montre les Suzuki 750 des motards de la police, des bécanes dont il était facile de voir qu'elles avaient passé l'âge de la retraite. Ce n'est un secret pour personne que des milliers de personnes qui roulent en électrique en France, ont été convaincu par des offres spéciales (une électrique neuve à 199 € par mois, parfois même moins), offres rendues possibles par un généreux bonus de l'état, et les taux d'intérêt très faibles. Combien de ventes n'auraient pas eu lieu, si les gens avaient dû payer comptant, et acheter au plein tarif ? Sans artifice, la Grèce apporte un élément de réponse.
Heureusement pour ce pays, les grecs sont habités d'une joie de vivre qui fait souvent défaut en France. On trouve des T-shirts avec la mention, La crise grecque, pas de boulot, pas d'argent, pas de problème, quand à l'écologie, en dépit des racines grecques du mot, elle n'était pas une grande priorité chez les personnes que nous avons rencontré.
Laurent J. Masson
Rubrique(s) et mot(s)-clé : hors-constructeur ; voiture-electrique