Les urgences de la nouvelle direction de Renault
Ven 25/01/2019 — Arrêter les coups bas.
Carlos Ghosn étant en prison depuis le 19 novembre, et sa libération n'étant malheureusement plus à l'ordre du jour, il fallait se rendre à l'évidence. Une entreprise comme Renault ne pouvait rester sans une direction stable. Carlos Ghosn lui-même en a convenu, et de sa prison, par l'intermédiaire de ses avocats et des services consulaires, il a démissionné. Pour le remplacer, Jean-Dominique Senard, patron de Michelin (à gauche sur nos illustrations), a été nommé au conseil d'administration de Renault, où dans la foulée il a été nommé président. Dans le même temps, Thierry Bolloré (à droite), qu'on a parfois présenté comme le futur successeur de Carlos Ghosn, était lui nommé directeur général. Mais ce sera le président, qui aura la responsabilité du pilotage de l'alliance Renault-Nissan Mitsubishi, sans pourtant en avoir le titre. On rappelle en effet que Carlos Ghosn cumulait la présidence de Renault, avec celle de l'alliance. Ce second poste est désormais vacant. Il n'y a plus personne à la tête de l'alliance, et cela constitue indiscutablement une victoire pour le Japon...On peut imaginer que dans quelques mois, Jean-Dominique Senard abandonne sa position de président du conseil d'administration de Renault pour prendre la tête de l'alliance, mais ce serait difficile aujourd'hui, puisqu'il est encore le N°1 de Michelin jusqu'au mois de mai. Il va en effet cumuler les 2 fonctions, mais cela doit à priori bien se passer, puisque son successeur chez le manufacturier de pneumatiques est nommé, et que les 2 hommes travaillent déjà ensemble depuis plusieurs mois.
M.Senard pourra donc se concentrer à l'urgence de calmer le jeu chez Nissan, et d'arrêter la chasse aux sorcières. Parce que si on remonte aux sources de l'affaire, on trouve un homme qui a dénoncé son patron. Il est identifié. Il travaille à la direction de Nissan au Japon, il n'est ni français, ni japonais. Héros ou plutôt traitre, on ne connait ses motivations, mais on constate qu'il a déclenché une véritable chasse aux sorcières. Jose Munoz, qui dirigeait Nissan aux Etats-Unis, a quitté son poste. Alors qu'il y a quelques mois, on entendait l'idée qu'il pourrait remplacer le japonais Hiroto Saikawa à la tête de Nissan. Arun Bajaj, senior vice-président en charge des ressources humaines, est lui aussi sur le départ. En France, Thierry Koskas, ex-directeur commercial de Renault, et qui allait être président de Renault Sport Racing, a démissionné il y a quelques jours. Ces 3 hommes étaient proches de Carlos Ghosn.
Il est difficile de croire que ces démissions ne sont qu'une suite de coïncidences, surtout quand certaines accusations contre Carlos Ghosn sont si peu crédibles. Car s'il a été suffisamment astucieux pour s'établir fiscalement aux Pays Bas, comment aurait-il pu commettre l'idiotie de ne pas déclarer au Japon dans leur totalité, les revenus que lui versait Nissan ? Pendant 10 ans, sans que personne ne remarque rien ? Et s'il a fait acheter par Nissan des biens immobiliers pour son propre usage, cela n'est finalement pas très original. Il y a en France des dizaines de milliers de fonctionnaires qui ont un logement de fonction payé par l'état...
La justice tranchera, même s'il est clair que Carlos Ghosn est définitivement écarté. Mais quand concevoir, construire et vendre des voitures est un travail collectif, on a le sentiment en regardant l'alliance aujourd'hui que certains n'ont pas bien l'esprit d'équipe. Voilà un vrai problème de management... Fort heureusement, nous avons été ravis de lire dans la biographie du nouveau président, qu'il fut naguère alto dans le choeur des petits chanteurs de la Sainte Croix de Neuilly. Il aura au moins acquis là le sens de la coordination, et il sait aussi parler plus fort que les autres.
Laurent J. Masson
Rubrique(s) et mot(s)-clé : Renault ; industrie-production