Carlos Ghosn : le Japon veut vraiment la guerre
Mer 10/04/2019 — Et pourrir la situation.
Il y a quelques semaines, sous la nouvelle direction de Jean-Dominique Sénard, l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi semblait prendre un nouveau départ, sous le regard bienveillant des japonais. Carlos Ghosn était écarté, il était assigné à résidence à Tokyo, où il allait tranquillement préparer son procès. Mais alors qu'il avait été libéré sous caution, et que tout porte à croire qu'il respectait les conditions de son régime de semi-liberté, Carlos Ghosn a été réarrêté. Avec une vingtaine de policiers qui se sont rendus à son domicile à 5h50 du matin. Ce qui semble quand même beaucoup pour un homme de 65 ans qui n'est pas connu pour être dangereux. Et en plus, les policiers ont saisi les téléphones, l'ordinateur et le passeport de sa femme. On se demande comment la police japonaise traite les terroristes, parce que là, il faut quand même rappeler que Carlos Ghosn n'a pas encore été condamné.Et les accusations, on sait déjà qu'une partie est pipeauté, puisque Carlos Ghosn est accusé de ne pas avoir déclaré au fisc des revenus qu'il n'a pas touché (ils sont équivalents à des primes de fin de contrat), ou d'avoir pris l'argent de Nissan pour s'acheter des résidences au Liban et au Brésil, alors qu'il est maintenant établi qu'elles ne lui appartenaient pas. Il s'agissait de logements de fonction, propriétés de Nissan. Les procureurs ont récemment trouvé de nouvelles charges, et elles sont peut-être moins fumeuses que les précedentes, mais il reste étrange que Carlos Ghosn ait été arrêté, juste après qu'il eût annoncé qu'il allait donner une conférence de presse pour donner sa version des faits. Les accusés n'ont-ils pas le droit de s'exprimer publiquement au Japon ? M.Ghosn a tout de même eu le temps d'enregistrer la courte vidéo ci-dessous. Il y parle en anglais.Il se dit innocent, parle de complot et de coup de poignard dans le dos, mais aussi et surtout de Nissan. Parce que depuis plus d'un an, le constructeur japonais va mal. Ce serait précisément parce qu'il avait un plan de réorganisation, incluant un renforcement de l'alliance, que des cadres dirigeants de Nissan qui auraient eu beaucoup à perdre dans la nouvelle structure, l'auraient trahi. Et le drame est qu'aujourd'hui, il n'y a plus de leader chez Nissan. Il y a certes des cadres pour gérer le quotidien, régler les problèmes par consensus, mais il n'y a plus de leader comme l'était Carlos Ghosn, et il va rester une épine dans le pied de Jean-Dominique Sénard.
Les japonais peuvent faire durer les choses des années, mais ce ne sera profitable pour personne. Pour que l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, premier constructeur mondial, aille de l'avant, avec des alliés qui ne se méfient pas l'un de l'autre, Carlos Ghosn doit être jugé au plus tôt, et condamné ou innocenté. A défaut, l'alliance va pourrir. Et il y a un risque certain que les japonais fassent volontairement trainer les choses, avec des hauts et des bas dans le processus judiciaire, précisément dans le but de pourrir la situation, et donc l'alliance. Si le gouvernement français peut faire pression, ce doit être pour accélérer les procédures.
Laurent J. Masson
Rubrique(s) et mot(s)-clé : Nissan ; industrie-production