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Airbus des batteries : l'Europe devra faire plus

Sam 04/05/2019   —   Jusqu'où iront les politiques ?
Alliance européenne pour la construction de batteriesDepuis plusieurs décennies déjà, l'électronique est devenu une spécialité asiatique. Radios, téléviseurs, caméras, tous ces petits appareils sont désormais importés d'Asie, les piles et batteries aussi. Personne ne s'en était alarmé, jusqu'à ce qu'on rende compte avec l'avènement de la voiture électrique, que les accumulateurs allaient représenter jusqu'à un tiers du prix d'une voiture. Et si on réagit aujourd'hui, il est très tard. Les fabricants asiatiques sont bien établis, ils ont un outil industriel solide et performant. Bosch et PSA (entre autres) ont étudié la faisabilité de se lancer dans la production de batterie en Europe, mais ils y ont renoncé. L'investissement est trop important, la concurrence féroce. L'aide de l'état, l'aide des états européens est nécessaire, comme elle fut utile et efficace en Asie.

L'initiative fut franco-allemande, mais elle est aujourd'hui pleinement soutenue par la commission européenne, comme en témoignait la présence du Vice-Président Maroš Šefčovič, en charge de l'énergie, à côté de Bruno Le Maire, et de son homologue allemand, M. Altmaier, à la conférence qui officialisait le lancement du projet. Bruxelles a validé jusqu'à 1,2 milliards d'aides publiques pour lancer la filière, 4 autres milliards devant provenir des acteurs de l'industrie. Le fabricant de batteries Saft, qui appartient à Total, et le groupe PSA, ont déjà affiché leur soutien, même si on ne sait encore pour quels montants. D'autres constructeurs se sont également déclarés intéressés, encore qu'ils ne veulent pas encore réveler leur soutien publiquement. Mais toute l'industrie automobile a bien vu que céder une part aussi importante de la valeur ajoutée d'une voiture à des fournisseurs asiatiques n'est pas une bonne idée.

Les politiques l'ont bien compris aussi, et après l'annonce qu'il y aurait 2 usines, l'une en France, l'autre en Allemagne, d'autres pays, l'Italie, la Pologne, la Belgique, l'Autriche, ont exprimés leur intérêt. Ils cherchent assurément à créer des emplois, mais il faudra leur dire que créer une usine de batteries dans chaque pays de l'union européenne n'est pas le but. Bruno Le Maire – c'est lui qui a le plus parlé lors de la conférence – aura parlé d'excellence. L'objectif déclaré est de faire la meilleure batterie du monde, et c'est bien, mais ce n'est probablement pas ce qui est nécessaire.
Alliance européenne pour la construction de batteriesL'industriel français Saft, fabrique déjà de très bonnes batteries, mais il est incapable d'en vendre une seule à un constructeur automobile. L'immense difficulté en effet, est de produire pas cher. Avec des travailleurs moins bien payés qu'en Europe, les chinois sont avantagés. Et comme on l'a vu avec le triste exemple des panneaux solaires, il faut prévoir que les chinois pourraient casser leur prix, juste au moment où ces nouvelles batteries européennes arriveraient sur le marché. On peut même parier que c'est ce qu'ils feront... L'union européenne est-elle prête à mettre en place une surtaxe sur les batteries chinoises ? Sur les voitures électriques chinoises de ce fait ? Parce qu'aussi longtemps que les batteries chinoises seront moins chères que les européennes, cela n'ira pas. La mise en place d'une filière de production n'est qu'une étape avant la guerre commerciale qui s'annonce, et les chinois ne se gêneront pas pour frapper fort, afin de défendre leurs positions.


Laurent J. Masson



Rubrique(s) et mot(s)-clé : hors-constructeur ; industrie-production ; batterie-propulsion-electrique