Francfort 2019 : un salon de transition
Lun 16/09/2019 — Juste une mauvaise période à passer.
On le savait avant de venir, il y aurait moins d'exposants à cette édition 2019 du salon de Francfort. Ce n'était pas pour autant le changement le plus important, qui est que l'industrie automobile est prise dans des changements sociétaux, et qu'elle ne peut... Que les subir. Les effets du scandale qu'a causé la tricherie de Volkswagen sont encore bien présents. L'industrie automobile était critiquée de longue date, mais parce qu'elle créait des richesses et donnait un bon travail à des millions d'européens, elle restait globalement bien acceptée. Plus maintenant, et c'est désormais la défiance qui règne. C'est la règle que quoi que dise un constructeur automobile, sa parole sera mise en doute. Et cela ne risque pas de s'améliorer de si tôt, quand juste avant le salon on apprenait que le patron de Nissan, le tombeur de Carlos Ghosn qui jouait au chevalier blanc, avait lui aussi touché sa part de galette. Avec pour sa défense, l'argument le plus ridicule qu'on puisse imaginer : l'ignorance. Les patrons de Volkswagen ne savaient pas que leurs autos ne respectaient pas les normes, le patron de Nissan ne sait pas ce qu'il gagne. Les motifs de colère sont légitimes.L'association Greenpeace manifestait une fois de plus à l'entrée du salon. A l'extérieur donc, mais à l'intérieur, tout n'allait pas non plus sur des roulettes, puisque la VDA, l'association allemande des constructeurs qui organise le salon, avait fait une erreur. L'exposition était toujours aussi étendue, allant du hall 1 au hall 11, alors que les halls intermédiaires 3.1, 3.2 et d'autres étaient vides. Il aurait été plus intelligent de faire un salon plus resserré, où les visiteurs auraient eu moins à marcher, mais la VDA vit peut-être dans le souvenir de sa gloire passée... En tout cas, sans qu'on sache clairement pourquoi, le président de la VDA démissionnait le second jour du salon.
En faisant le tour des stands, nous constatons que la plupart sont plus petits, avant de réaliser 2 jours plus tard que le mouvement #MeToo a visiblement eu des effets. Nous avions certes vu immédiatement que certaines hôtesses étaient grosses, ce qui est nouveau, mais il nous aura fallu du recul pour réaliser qu'en 2 jours sur le salon, nous n'avons vu aucun décolleté, aucune mini-jupe. Là, c'est sûr, il y aura beaucoup d'hommes pour penser que c'était mieux avant, même si cette évolution de la société est probablement pour le meilleur. Nous ne serons pas aussi affirmatifs devant la révolution que nous découvrîmes chez Mercedes.
A Francfort, Mercedes a toujours été le roi. Il a son propre hall, le premier, et celui dont l'architecture est la plus sophistiquée. Contrairement aux autres, Mercedes n'avait pas réduit la taille de sa surface d'exposition en 2019. Actuellement, cas unique, elle a même un peu augmentée, du fait d'une réduction de la surface dévolue à Smart. Mais si la surface était en hausse, le nombre de voitures exposées a lui nettement baissé (2 collègues ont confirmé mon sentiment). A leur place, nous avons été atterrés de voir des trotinettes et des skateboards. Chez Mercdes, le constructeur de grosses berlines ! Deux skateboards étaient même connectés dynamiquement, en montant dessus, on se retrouvait face à un écran géant qui faisait défiler un circuit (illustration du haut). Que Mercedes ait cela sur son stand, voilà qui prouve que le monde change. Mais ce qui minait Francfort, et toute l'industrie, est qu'on ne sait pas où l'on va.
L'exemple des trotinnettes est révélateur. Quelques-uns disent que c'est moderne, d'autres que c'est écolo, mais comme on l'a vu à Paris, des milliers de trottinettes partout sur les trottoirs ne sont pas un progrès. Surtout que ces petits engins n'ont rien de durable. Alors on parle de voiture partagée, on parle d'Uber, mais c'est une société qui perd plusieurs millions d'euros chaque jour. Est-ce bien cela l'avenir ? Les transports en commun ne valent pas mieux. A côté de la dette abyssale de la SNCF que l'état doit prendre à sa charge, 100 % des transports publics en France sont déficitaires, et ce sont les contribuables qui doivent régler la note. La panacée étant la voiture électrique, qui était en vedette sur tous les stands, mais dont l'aptitude à faire vivre une société commerciale n'est pas encore établie.
Tout le monde critique les gros SUVs, avec raison parce qu'ils consomment trop d'énergie, mais il ne faudrait pas oublier que s'ils ont du succès auprès des consommateurs, ils font aussi ceux de leurs constructeurs avec une excellente rentabilité. Quand tout ce qu'on propose pour les remplacer ne fait que perdre de l'argent. Alors que fait-on ? La réponse n'était pas à Francfort, et à défaut la question n'a pas fini de hanter beaucoup de cadres de l'industrie. On navigue à vue. L'espace disponible au salon a permis de faire venir des gloires du passé, comme cette Ferrari 365GTB/4 de 1968 devant laquelle nous aurions pu extasier des heures, et Audi pouvait se permettre d'être artiste, avec une A1 accrochée au mur, mais pour redonner l'espoir dont l'industrie a besoin, on attend un sursaut technologique.
Au risque de surprendre nos lecteurs, nous allons en effet saluer un exploit technologique, qui est celui des autos capables de faire des pointes à plus de 200 km/h, et de faire voyager 5 personnes avec tous leurs bagages sur plus de 1000 km sans ravitailler. Grâce au progrès, c'est ce que permet aujourd'hui un gros SUV diesel comme un BMW X5, un Skoda Kodiak ou un Volkswagen Touareg. Les voitures zéro émission sont malheureusement encore très loin de pouvoir offrir de telles prestations, et c'est là qu'est tout le problème. On attend l'essence synthétique, l'hydrogène ou des batteries à bien plus forte densité énergétique, mais tant que le progrès écologique sera au prix d'une baisse des prestations, l'industrie a un problème. Les progrès constants de la technologie sont cependant rassurants. La Porsche Taycan prouve que les voitures zéro émission deviennent de plus en plus rapides, et les triplettes Volkswagen e-up/Seat Mii Electric/Skoda Citigo iV montrent qu'elles sont de plus en plus abordables. Il n'y a plus que quelques années à passer, et la voiture individuelle fera à nouveau rêver les foules !
Laurent J. Masson
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