Le gouvernement met le rétrofit dans un carcan pour l'éliminer
Sam 04/04/2020 — Le rétrofit n'est pas une plaisanterie.
Certains l'attendaient, un décret pour légaliser la procédure de rétrofit, par laquelle on convertit une voiture essence ou diesel à la propulsion électrique. Il a été publié au journal officiel vendredi, mais plutôt que de le voir comme un encouragement à la mobilité électrique, il faut malheureusement le voir comme un frein. Explication. Si on voudrait faire quelque chose d'excitant, on prendrait par exemple comme base, une Chevrolet Camaro des années 1980 (illustration), importée des Etats-Unis pour en toucher une le moins cher possible. Sauf que cette auto ne pourrait être importée en France qu'avec une carte grise collection, et qu'il n'est pas permis de convertir à l'électrique une voiture qui n'a pas une carte grise normale. La base devra donc être une voiture immatriculée en France de manière régulière, et elle doit être agée d'au moins 5 ans.Le décret du gouvernement ensuite, ne permet pas à un particulier de concevoir sa propre conversion. Le recours à un professionnel est obligatoire, et il n'est pas simple puisque le dit professionnel ne pourra proposer que des conversions homologuées. Par l'UTAC. Ce ne sera donc pas une procédure rapide, ni gratuite. Le professionnel concevra un kit de conversion, mais il ne pourra le commercialiser aux particuliers, puisque seul des installateurs agrées par lui, et dûment déclarés à l'administration, pourront installer lesdits kits de conversion, selon les instructions de montage fournis par le fabricant du kit de conversion.
Le législateur a aussi fixé des obligations techniques qu'on comprend très bien, comme la règle que la puissance du moteur électrique doit être entre 65 et 100 % de celle du moteur thermique retiré, que la répartition des masses entre les essieux ne doit pas être modifié de plus de 10 %, et que la masse à vide ne peut-être accrue de plus 20 % (poids des batteries par rapport à un réservoir vide qui devra être retiré). On comprend très bien tout cela.
Mais il reste la lourdeur administrative, pour l'installateur et le concepteur de la conversion, comme pour l'état. Car le concepteur devra établir un rapport d'activités annuel, en indiquant le nombre de kits installés, et par quel installateur, ainsi qu'un rapport sur les retours clientèle, puisque tout automobiliste qui aura fait convertir sa voiture devra obligatoirement remplir un questionnaire de satisfaction. (Sans doute qu'il faudra créer de nouveaux emplois de fonctionnaires pour surveiller tout cela.)
Cette lourdeur nous amène aux 3 conclucions suivantes. La première est que le nombre de kits de conversion sera faible. Peut-être un kit pour les Twingo se seconde génération ? Un autre pour les Fiat 500 ? Pour les Mehari ? Développer un kit de conversion, et le faire homologuer n'étant pas une petite affaire, on ne pourra concevoir un kit de conversion que s'il y a perspective d'un nombre substantiel de commandes. La seconde est que ce sera cher. Le prix des pièces, le coût de la main d'oeuvre par un professionnel pour la conversion proprement dite, le coût d'amortissement de la procédure d'homologation... Tout ceci s'additionne, et cela chiffre. Ce qui conduit à notre troisième conclusion, qui est qu'à notre humble avis, les automobilistes qui convertiront à l'électrique leur vieille voiture feront une mauvaise affaire. On pensera toujours qu'une Seat Mii Electric, neuve avec plus de 200 km d'autonomie, avec la garantie du plus grand groupe automobile d'Europe, ne coûte que 17 000 €, bonus déduit. Il est tout simplement impossible de faire aussi bien pour le même prix en partant d'une essence d'occasion.
Laurent J. Masson
Rubrique(s) et mot(s)-clé : hors-constructeur ; batterie-propulsion-electrique ; voiture-electrique