Interdiction des thermiques en 2035 : les raisons du revirement
Lun 06/03/2023 — Rien n'est jamais acquis en politique.
Un pas en avant, et deux pas en arrière. En politique, la ligne droite n'existe pas. En juin dernier, nous avions cru que c'était fait. Toute l'Europe s'était mise d'accord. Il serait interdit de vendre des voitures essence et diesel dans l'union européenne à compter de 2035. Le parlement européen avait confirmé cette décision le mois dernier, c'était sur des rails, tout le monde le pensait. Puis est venu la grogne des italiens, suivi par les polonais et les bulgares, et à la surprise générale par les allemands. Ces 4 pays représentent plus de 35 % de la population de l'UE, ils bloquent le processus. Comment est-ce possible ? Qu'est-ce qui a changé depuis juin dernier ?En Italie, on le sait, c'est le gouvernement qui a changé. Et le ministre des transports d'expliquer que l'arrêt des essences serait une catastrophe pour l'Italie. Il n'a pas complètement tort. Ferrari a présenté récemment son premier crossover, le Purosangue. Une auto qui doit consommer comme 4 avec un gros moteur V12 atmosphérique, et qui coûte une fortune, plus de 300 000 €. On penserait que personne n'achèterait une voiture pareille, mais on aurait bien tort, puisque le carnet de commandes a explosé. Ferrari d'ailleurs, a arrêté de prendre des commandes. Toute la production des 18 mois à venir est vendue... Les italiens disent que l'Europe veut tuer la poule aux oeufs d'or. On peut rétorquer que c'est une mauvaise manière de voir les choses, mais on ne peut pas dire que c'est faux. Ce discours plait aussi à de nombreuses oreilles en Allemagne, où chez Mercedes par exemple, la classe G est extrêmement profitable à son constructeur. On en voit à Monaco, Londres ou Zurich, et pas des modèles de base, mais des très chères versions AMG avec l'intérieur cuir bicolore.
Il est facile de dire qu'il suffira aux constructeurs de se convertir, et de faire des électriques. Mais ces autos seront-elles aussi profitables pour leurs constructeurs ? Les clients accepteront-ils de les acheter au même prix ? Les constructeurs européens seront-ils compétitifs ? Il n'a échappé à personne qu'un crossover électrique, la Kia EV6 GT, accélère plus fort qu'une Porsche 911, en étant 30 % moins cher. L'industrie europénne fabrique les meilleures voitures essence du monde, mais l'électrique va chambouler la hiérarchie patiemment établie, et la menace chinoise se fait chaque jour plus précise.
L'Allemagne a changé d'avis pour demander l'ajout d'une exception pour les voitures qui fonctionneraient avec un carburant synthétique, et nous pensons que l'Allemagne reviendra sur son changement de décision. Mais une surprise n'est pas à exclure, surtout que, tout le monde doit le savoir, on va continuer à vendre des voitures essence bien après 2035. L'union européenne et la Californie ont certes décidé d'interdire la vente des voitures à moteur thermique, mais le reste du monde ne suivra pas. Au Brésil, ils continueront à rouler à l'éthanol. On regardera le championnat de Formule 1. 24 courses, mais seulement 9 sont en Europe. L'Europe de l'ouest n'est pas le monde...
Alors bravo à l'Europe de se faire championne du zéro émission, mais attention à ne pas perdre le savoir-faire autour du moteur à explosion pour les pays qui continueront à en acheter.
Laurent J. Masson
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