Le gaz naturel carburant bio ? Non, appellation usurpée. Mais, pas de beaucoup.
L'avenir dans la poubelle
Faut-il ou ne faut-il pas s'engager sur la voie du gaz naturel comme carburant automobile (GNV), BMW a répondu par la négative. L'hydrogène, sinon rien d'autre que les carburants pétroliers.
MoteurNature s'était rangé à ce
même avis, pourtant après un temps de reflexion, et une multitude de rapports en faveur de ce carburant, nous sommes obligés de lui trouver certaines vertus. Le dernier congrés de l'Association Européenne pour les Véhicules au Gaz Naturel (ENGVA, à Bruxelles, la semaine dernière, illustration ci-contre) les a bien montré, en pointant le doigt sur l'idée principale à comprendre, qu'il n'y a pas un type de gaz naturel, mais deux.
Le premier, c'est celui de la station ci-contre. Une station Aral, en Allemagne, pays qui compte déjà plus de 600 stations distribuant du gaz naturel (
erdgas). Le GNV y est vendu exactement comme le gazole ou l'essence, le quidam ne fait pas la différence. La pompe est un peu plus grosse, et il faut la connecter avec plus de précision qu'une pompe qui débite un liquide, c'est tout. Quant à ce qui est voitures, on a maintenant un choix appréciable. Les autos au GNV étaient au début des véhicules pour les professionnels, Renault Kangoo, Citroën Berlingo, Opel Combo, pas très excitant tout cela, mais les choses ont changées.
Nous avions vu au dernier salon de Genève la Mercedes E200 NGT (photo plus bas), et Opel proposera cet été sur le marché français son Zafira en version GNV. C'est important, parce que si on veut le succès de ce carburant, on ne doit pas le limiter à des utilitaires, mais le proposer sur des modèles attrayants, de dernière génération. Et toutes ces autos, théoriquement polluent moins. Mais là encore une fois, nous devons nous plaindre de la non-communication des constructeurs, particulièrement des français. Citroën, Peugeot et Renault vendent tous les trois des voitures au GNV, et tout trois affirment que ces véhicules polluent moins avec ce carburant qu'avec l'essence, mais lorsqu'on demande les chiffres qui prouvent ce fait, ils refusent catégoriquement de les donner (sauf le CO2).
Heureusement qu'il y a les suédois ! La Suède : plusieurs dizaines de stations vendant du bioéthanol ou du GNV, plus aucune station pour vendre du GPL, du gazole à basse teneur en souffre depuis 15 ans, et Volvo. Dont voici les relévés d'émissions pour le modèle V70, modèle 5 cylindres 2,4 litres (ci-dessous). Le constructeur n'a rien à cacher, ces chiffres sont disponibles à tous.
| CO | HC | NOx | CO2 |
Volvo V70, émissions en essence | 0,420 | 0,066 | 0,043 | 215 |
Volvo V70, émissions gaz naturel (GNV) | 0,438 | 0,064 | 0,017 | 169 |
Normes EURO-4 (rappel) | 1,000 | 0,100 | 0,080 | — |
Les émissions de monoxyde de carbone (CO) et d'hydrocarbures imbrûlés (HC) n'évoluent quasiment pas, alors que celles d'oxydes d'azote (NOx) sont divisées par 2,5 ; et celles de gaz à effet de serre (le dioxide de carbone) sont réduites d'un quart. On rappellera aussi les excellents résultats de la
Prius convertie par Holdigaz. En tant que carburant fossile, le gaz naturel ne peut pas être une solution durable, mais il présente tout de même un avantage par rapport au pétrole. Pour le magnifier, il faudrait qu'il soit renouvelable, et c'est à peu près possible, c'est le second type de gaz naturel.
La voiture ci-contre est un concept-car qui fut présenté au salon de Genève en 2001. Son nom, Rinspeed Advantige R
one. Son carburant est juste à gauche. En Suisse comme en France, nous n'avons pas de pétrole, mais nous avons... Des ordures. Et si on va manquer de pétrole un jour, nous ne pensons pas qu'on vienne bientôt à manquer d'ordures. Sait-on que tout déchet organique peut être transformé en carburant ? La transformation aboutit à un gaz essentiellement constitué de méthane, très proche du gaz naturel d'origine fossile, on peut faire rouler une auto avec. Ce gaz s'appelle biogaz*, ou compost-gaz, kompogaz, ou encore biométhane (après épuration), tandis que l'appareil qui permet de le produire se nomme un composteur, ou digesteur. Son action est une fermentation des matières organiques. Et, ce n'est nullement une technique nouvelle, même si le progrès l'a amélioré par l'ajout d'agents microbiologiques pour accélérer la dégradation des matières.
En France, le champion dans cette technologie, de loin, est la communauté urbaine de Lille. Cela fait plusieurs années qu'ils multiplient les tests, et les gens du Nord montent aujourd'hui un très gros projet. C'est dans le cadre européen
Biogasmax, où Lille est leader, et qui consistera à produire le carburant nécessaire à une flotte d'une centaine d'autobus ! Ce sera essentiellement à partir de boues provenant de stations d'épuration, mais pour établir la versatilité de la technique, les déchets seront de différentes sources, et de qualités très distinctes.
A l'heure où l'Europe croule sous ses déchets, et alors que la règlementation sur les décharges est chaque jour plus draconienne, on se trouve face à une obligation d'agir, un potentiel assez énorme, et une rentabilité qui n'a plus rien d'utopique avec la hausse du pétrole... Les premiers à l'avoir compris sont les scandinaves : il y a déjà en Suède des stations distribuant du GNV non fossile, et Xergi construit en ce moment la plus grande usine du monde de production de ce carburant, à Foulum, au Danemark. D'autres initiatives ont lieu un peu partout dans le monde, et les constructeurs auto les ont bien noté, comme ils avaient déjà remarqué (comme tout le monde) que par sa douceur de combustion, on voit de plus en plus d'autobus urbains fonctionnant au gaz naturel.
Même les chinois s'y mettent, ils viennent de commander à Fiat 1000 moteurs fonctionnant au gaz naturel pour équiper les transports publics de Beijing ! Le constructeur transalpin trouve là la récompense de ses nombreux investissements, qu'il poursuit avec le prototype ci-contre. Fiat devrait vendre 30.000 autos au GNV cette année 2006 (leader européen), et la Panda sera disponible ainsi à la fin de l'année. Mais ce concept Multi Eco va beaucoup plus loin. Alimenté au GNV, allégé, avec une aérodynamique améliorée et un système Stop & Start, il rejette 40 % de CO2 de moins que la Panda normale !
Alors même si le GNV a encore des défauts, on devine déjà par exemple que la qualité des GNV non fossile sera variable d'une unité de production à une autre, alors que la purification coûte cher, et que le cycle n'est pas totalement vertueux, puisqu'il y a émissions nettes de CO2, le GNV produit à partir de déchets est dans tous les cas supérieur aux carburants pétroliers. Alors en attendant l'hydrogène, le gouvernement pourrait réfléchir à une taxation différenciée pour le GNV fossile, et celui qui ne l'est pas. Ce serait beaucoup plus incitatif pour promouvoir le GNV que par exemple le compresseur/chargeur à domicile. Solution à laquelle nous ne croyons guère, du fait que le réseau GDF est bas débit/basse pression. On ne veut pas d'une pompe 2 m3/heure pour faire le plein en une nuit, mais une pompe 2000 m3/heure, pour faire le plein en une minute, dans une station, comme pour de l'essence.
Et le meilleur moyen de parvenir à cela, c'est selon nous de libérer le marché de l'énergie. C'est en effet assez bizarre, mais les seules villes de France où il y a des stations qui acceptent de vendre du gaz aux automobilistes, ce sont les villes où la distribution du gaz n'est pas assurée par GDF. Alors le ministre de l'Industrie a certes signé l'année dernière un protocole d'accord pour développer le GNV, avec GDF, Total (tiens ?) et Carrefour, mais si on veut réellement lancer le GNV, le GNV non fossile, il faudrait faire exactement comme pour les biocarburants. Simplement fixer une norme qualitative, un taux de taxe avantageux, et ouvrir le marché à tous pour que les entrepreneurs privés viennent s'y engouffrer. Mais de cela, personne ne parle.
*Biogaz : cette appellation, comme toutes les autres employées n'est pas juste, car la production de ce carburant n'est pas bio, comme peut l'être l'agriculture, et sa combustion dans un moteur thermique libère des émissions nettes de dioxide de carbone. Elles ne sont pas compensées par la croissance des plantes comme peuvent l'être celles d'un moteur qui fonctionne avec de l'éthanol ou de l'huile végétale. Il serait donc plus juste de parler de « Gaz Naturel Véhicules Non Fossile », ou GNV non fossile, c'est l'appellation que nous retiendrons dans cet article et sur ce site.
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