Le premier essai officiel d'un biocarburant en France est lancé, l'E85 dans la Marne
30 ans après le BrésilExactement 100 ans après qu'Henry Ford se soit enthousiasmé pour l'éthanol, qui devait permettre aux paysans de produire leur propre essence, la France se met enfin à essayer un biocarburant. Le pays ne l'avait jamais fait ! Quelques agriculteurs font certes tourner leurs tracteurs à l'huile végétale, quelques automobilistes aussi (en cachette), mais ils sont des marginaux. On peut signaler aussi des flottes d'utilitaires qui roulent avec 30 % de diester, mais cela laisse 70 % de pétrole. L'E85 par contre, est un vrai biocarburant, pas 100 % agricole, puisque composé de 85 % d'éthanol (un alcool qu'on produira à partir de betteraves, ou de céréales) avec 15 % d'essence, mais déjà très satisfaisant, et un peu pompeusement surnommé Bio-Ethanol.
Les privilégiés qui vont expérimenter l'E85 sont des employés du Conseil Général de la Marne. Leurs montures sont des Ford (Focus et C-Max Flex-Fuel). Pourquoi des Ford et non pas des voitures françaises ? Parce que ce constructeur a été le seul à répondre à l'appel d'offres. Tant pis pour eux et tant mieux pour Ford. Même si ce n'est que de la location longue durée, l'essai, sur 7 voitures, ne devant durer qu'un an. L'IFP et l'ADEME y sont associés, le premier organisme ayant la charge de mesurer les émissions des véhicules (polluants réglementés et non règlementés), au début, à 6 mois, et à la fin, le second d'établir le bilan environnemental de l'opération.
François Loos, ministre délégué à l'industrie a officiellement lancé l'opération le 1er juin en conduisant une Focus à l'E85 de Vitry-Le-François à Chalons en Champagne. Bravo. Mais nous voudrions faire remarquer que 3 semaines plus tôt (illustration ci-contre), Samuel Bodman, le secrétaire américain à l'énergie avait lancé une opération similaire dans l'Indiana, avec des véhicules de chez General Motors, mais avec un plus : l'ouverture d'une station d'E85. Plus de 600 stations distribuent déjà de l'E85 aux Etats-Unis, et on attend toujours la première en France, car celle qui a été installée dans la Marne ne sera pas publique.
Le gouvernement annonce pourtant qu'il a l'intention de développer l'usage de l'E85. Une autre expérimentation devrait suivre bientôt en Picardie. Et dés 2007, des stations doivent ouvrir. L'objectif est que ce biocarburant soit accessible à tous d'ici 2010 (
annonce du premier ministre). Il n'est jamais trop tard pour bien faire... Au dires du communiqué du ministre, il semblerait vraiment que la France s'engage sur le bon chemin. On ne peut que s'en féliciter, car théoriquement l'E85 permet de réduire jusqu'à 70 % les émissions de gazs à effet de serre (CO2) d'une automobile. 70, et non pas 85 %, car on compte 15 % émis lors de la culture et de la production. Mais c'est déjà fabuleux ! Toutes les voitures à essence (attention, l'éthanol n'est pas très adéquat dans un diesel) devraient l'adopter.
Et presque tous les constructeurs l'ont d'ailleurs adopté. Car si l'éthanol est nouveau en France, plus de 2,5 millions de voitures l'utilisent au Brésil. C'est là qu'est vendu la Peugeot 206 1.4 Flex (ci-dessus), et qu'on aimerait bien voir en France, si M. Folz (PDG de PSA) n'avait pas dit lors de la dernière assemblée générale de ce constructeur que :
« L'introduction de voitures fonctionnant à l'E85 est une initiative stupide car elle nécessite de lourds investissements » (cité par
Le Monde).* On ira plutôt chez Renault, qui s'est déjà engagé à rendre compatible la moitié de sa gamme d'ici 2009. A l'image de la Clio Hi-Flex ci-contre. (On remarque la carrosserie inconnue, c'est parce qu'il s'agit d'une version 4 portes à coffre de la Clio, un style de carrosserie qui a la faveur des brésiliens.)
Ces 2 autos, la 206 et la Clio sont capables de fonctionner avec un carburant 100 % pétrolier ou 100 % éthanol, ou n'importe quel mélange des deux. Essentiellement pour des raisons climatiques, ce choix du pur alcool est écarté en Europe ou aux Etats-Unis. Parce qu'il est difficile de faire démarrer un moteur à l'alcool quand il fait froid (sauf à recourir à des techniques de préchauffage coûteuses). Mais les Ford Focus dont il est question ici sont capables de rouler aussi bien à l'essence qu'à l'E85, ou n'importe quel mélange des deux. Il n'y a qu'un seul réservoir, et la voiture est dite
flexible.
Quant à l'idée que nous voudrions exprimer, elle est que si le gouvernement veut lancer l'E85 en France, les constructeurs ont tous les moyens de suivre très vite. La voiture ci-dessus est une Chevrolet Vectra Flex Power, c'est la version brésilienne de l'Opel Vectra. Ci-contre le Dodge Caravan E85, on le connait ici comme Chrysler Minivan. Quasiment toute la gamme Volkswagen est disponible en version Total Flex au Brésil, et il existe même un modèle, la Crossfox, ci-dessous, qui n'est disponible que comme cela. On ne peut pas acheter une VW Crossfox avec une motorisation essence classique (monocarburation).
Bref, on peut avoir plus de 20 modèles de voitures flexibles sur le marché français d'ici 18 mois. Ce n'est qu'une question de volonté politique et d'organisation. Les constructeurs maitrisent déjà les techniques, qu'on trouve aux catalogues de plusieurs équipementiers... Reste que la volonté politique doit être confirmée par la volonté financière. Et ce n'est pas encore le cas. Le taux de la taxe intérieure de consommation est de 58,92 € l'hectolitre pour l'essence sans plomb, le gouvernement l'a fixé à 25,92 € pour l'E85. C'est trop ! Parce que l'E85 est un peu moins énergétique que l'essence, donc on en use un peu plus, et qu'à la base, le coût de production de ce carburant est plus élevé (sauf au Brésil, où la culture de la canne à sucre est beaucoup moins chère que celle des betteraves sucrières en France), ce qui fait que le coût au kilomètre de rouler à l'E85 ne sera pas moins cher que de rouler à l'essence.
Alors que la consommation d'E85 réduit les émissions de CO2 de 70 % ! Et que les mesures de l'IFP devraient confirmer que ce carburant réduit aussi nettement les rejets d'oxydes d'azote (NOx), ce serait maladroit que de ne pas l'encourager fiscalement, comme le fait déjà la Suède. Ce carburant y est en plein essor du fait qu'il y soit détaxé, et les finances publiques s'y retrouvent, car il est produit localement, en faisant travailler des gens. Les biocarburants sont détaxés de même en Allemagne, et en Suisse aussi, le Conseil fédéral a choisi d'éxonérer les biocarburants des taxes sur les huiles minérales. Nous n'attendons pas moins en France. Ou pour être équitable, que l'E85 soit taxé à 15 % du taux de l'essence. Mais pas plus. Sinon, dans l'hypothèse où les prix du pétrole redescendraient (pas impossible), la filière qu'on est train de mettre en place se retrouverait vite dans les choux. Et les betteraviers, ils n'apprécieraient pas.
* ADDENDUM 20/06/2006 : M. Folz s'est depuis lors ravisé, et à l'occasion du
challenge Bibendum, il a expliqué haut et fort, en présence de l'auteur de cet article, que son groupe proposerait des voitures Flex-Fuel sur le marché français dés l'année prochaine.
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