Toyota Camry hybride, pour convaincre le grand public de l'intérêt de l'hybridation

La route sera longue

Il est impossible d'être écologiste sans être optimiste. Nous voudrions bondir de joie en voyant les résultats commerciaux de Toyota, ce n'est pas possible. L'hybride se vend plutôt bien, mais ce qui gêne, ce qui froisse, est que son succès soit éclipsé par celui d'autres modèles. Aux Etats-Unis, pendant les 4 premiers mois de cette année 2006, il s'est vendu 30 357 Prius, et 47 798 RAV4. Le mois dernier, avril, est encore plus significatif, puisque les carburants n'ont fait qu'augmenter cette année. L'essence n'a quasiment jamais été aussi chère, les gens devraient se ruer sur les hybrides, mais ils font tout le contraire. Toyota a vendu aux USA en avril 8 234 Prius, et 13 854 RAV4 ! En France ? C'est PIRE. Immatriculations dans l'hexagone en avril 2006 : 315 Prius, et 1 591 RAV4.

Alors on dit que les ventes d'hybrides sont faibles parce que les gens ne connaissent pas cette technologie, ni les voitures qui en disposent, mais ces personnes qui sont allés dans une concession Toyota acquérir un RAV4, elles ont dû voir au moins une Prius. On dit aussi que les hybrides sont chers, ce qui n'est pas faux, mais le RAV4 est encore plus cher ! Le RAV4 serait plus à la mode ? Nous ne le pensons pas, c'est très tendance de conduire une Prius. Le RAV4 a des capacités en tout-terrain ? On n'en voit pas beaucoup pourtant dans les clubs de crapahuteurs. Le RAV4 serait plus solide ? La Prius a une meilleure garantie. Le RAV4 serait alors plus performant ? C'est très vrai aux USA, où il est proposé avec un gros V6 de 270 ch, mais en Europe, sauf dans sa version 177 ch, ce n'est pas très flagrant. Bref, nous nous interrogeons, et si un étudiant en marketing se cherche un sujet de mémoire, nous lui proposons d'étudier les raisons pour lesquelles un français préfère acheter un RAV4 à une Prius. Le simple fait de rouler un peu plus haut que les autres ne peut pas être la seule raison.

Et pour nous écologistes, si chaque fois qu'un français achète une Prius, il y a 5 concitoyens qui suivent pour acheter un RAV4, nous avons du pain sur la planche ! Surtout que le RAV4 ici se vend majoritairement en version diesel, SANS filtre à particules. On comprend bien le raisonnement de Peugeot qui aura un 4x4 dans sa gamme dés l'année prochaine, et un hybride seulement en 2010. C'est moche, mais il y a plus de demande pour le 4x4 plus énergivore. Et en dépit d'un crédit d'impôt de 2000 € pour l'acquéreur d'une Prius...

Pour Toyota, la solution est heureusement toute trouvée, elle est proposer l'hybride non sur un modèle spécifique, mais sur chaque modèle de sa gamme, en donnant aux clients la liberté de calculer, et de comprendre, l'intérêt de cette technologie. Je me suis par exemple toujours demandé ce que serait une Prius, sans transmission hybride, mais avec le D4-D 1.4 litres 90 chevaux, et la boite robotisée à 5 rapports de la Corolla (avec un filtre à particules aussi). Certains penseront que ce serait un sacrilège, mais cela permettrait de démystifier l'hybride, en donnant à chacun le loisir de faire ses propres calculs de rentabilité, avec les coûts d'acquisition et d'utilisation d'un hybride essence face à un diesel (en attendant l'hybride diesel)... Dans l'immédiat, les américains vont pouvoir calculer la rentabilité de l'hybride sur la voiture qu'ils connaissent le mieux, l'auto la plus vendue sur le marché américain depuis plusieurs années : la Toyota Camry.

La Camry est dans un segment qui s'efface en Europe, celui des grandes berlines de constructeurs généralistes. C'était le segment des Opel Omega et des Ford Scorpio, que Toyota a abandonné comme Ford et GM. Cette Camry ne sera pas proposé sur notre continent, pas plus en version hybride que classique. L'auto existe aux USA avec 2 moteurs, un 4 cylindres de 2,4 litres (158 ch), ou un V6 de 3,5 litres (268 ch). C'est à partir du premier moteur qu'est développé la version hybride. Sa technique est sans surprise, très proche de celle des autres hybrides du constructeur japonais.

Le moteur thermique a ainsi été « atkinsoné ». Il a perdu 11 ch dans l'opération (il en reste 147), mais il est devenu plus sobre. Il est secondé par un moteur électrique de 105 kW, qu'on imagine largement capable de mouvoir l'auto seul, mais il lui faudrait une batterie de très grande capacité pour lui permettre de faire cela sur quelque distance... Tel quel, la batterie ne peut sortir qu'un courant équivalent à 40 ch, et c'est comme cela qu'on aboutit à une puissance maximale utilisable de 187 ch. Remarquons alors le positionnement marketing. Alors qu'Honda a développé la version hybride de son Accord avec l'idée d'en faire son haut de gamme, plus chère, plus puissante et plus performante que toutes les autres Accord, Toyota a choisi de faire sa Camry hybride d'une puissance intermédiaire entre ses 2 motorisations classiques.

Pour ce qui est du prix par contre, Toyota rejoint Honda. La Camry hybride sera la plus chère de toutes les Camry, et de loin. Cette Camry hybride 4 cylindres est plus de 2000 dollars plus chère que la Camry V6. Actuellement, les comparaisons sont difficiles, car la finition et l'équipement ne sont pas identiques. Il est assez probable que Toyota ait délibérément voulu cela pour empêcher les comparaisons trop faciles. Une chose par exemple qui est spécifique à la Camry hybride, c'est l'indicateur de consommation instantanée à la place du compte-tours (ci-dessus, à gauche du compteur de vitesse en Miles Per Hour).

0, 20, 40, 60 miles par gallon (on ne voit pas les zéros sur la photo), et en-dessous, la zone bleue, c'est pour quand la voiture roule sur la seule puissance de son moteur électrique, et donc ne consomme rien. Pour celui qui veut plus d'informations, il y a l'ordinateur de bord sur la console centrale. Comme sur la Prius, il indique l'énergie récupérée, les moyennes, etc... La consommation serait inférieure de quelques 20/30 % à la Camry non hybride à 4 cylindres, nous attendons des essais chiffrés de journalistes américains pour confirmer cela. Mais l'hybridation est valable quelque soit le gain en consommation qu'il permet, petit ou grand, puisqu'en dépit d'une voiture alourdie de plus de 150 kg, déjà il améliore les performances. Et que Toyota annonce nettement supérieures à celles de la Prius.

Sous le capot, il y a une bonne surprise, elle est que par rapport à tous ces hybrides Lexus où on ne voit rien, sous le capot de la Camry, on peut voir le moteur ! Monté transversalement avec la boite en bout, qui est à variation continue, il transmet sa puissance aux roues avants, idem le moteur électrique, selon une architecture série/parallèle, encore une fois comme sur la Prius. On l'aura donc bien compris, celui qui a déjà conduit un hybride Toyota ne sera pas dépaysé au volant de cette Camry. Parce qu'elle est hyper courante pourtant, puisque plus de 400 000 Camry sont vendues chaque années aux USA, cet hybride ne générera probablement pas le même enthousiasme qu'une Prius. Il y a des clubs Prius dans presque tous les pays (en France, il y a le Prius Touring Club), cela va devenir difficile s'il faut y accepter aussi les Camry, puis les Corolla, dont on prévoit une version hybride pour l'horizon 2008.

D'un point de vue du rendement cependant, cette Camry ne sera sans doute pas aussi efficiente que la Prius. Parce qu'elle est plus lourde, et un peu moins aérodynamique, mais aussi pour des raisons de hiérarchie. Et on sait ce que cela veut dire chez Toyota ! Tous les modèles de la gamme sont appelés à avoir une version hybride, mais c'est la Prius qui doit être la plus sophistiquée de tous ces hybrides. On parle alors d'une autonomie de 10 km en mode électrique pour la prochaine génération de Prius, avec une batterie Lithium-Ion, mais... La Prius devrait conserver une carrosserie à hayon, qu'on dit plus pratique, alors qu'une grosse berline 4 portes (la Camry a le gabarit d'une Peugeot 607), avec un grand coffre, cela a bien des avantages qu'on voudrait aussi pouvoir apprécier de ce côté-ci de l'Atlantique. Bon, une Avensis hybride pourrait aller, c'est pour quand ?



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