Conversion d'une voiture essence pour qu'elle marche aussi au superéthanol E85
Ecologie contre bricolageOn parle aujourd'hui de voitures
Flex-Fuel, ou
VCM (Véhicule à Carburant Modulable, selon la terminologie officielle) comme d'une nouveauté, pourtant la première VCM, capable de rouler aussi bien à l'essence qu'à l'alcool, était la Ford T modèle 1908. On mettait l'un ou l'autre carburant, et il y avait une vis à régler sur le carburateur pour adapter le moteur au carburant donné. Les
VCM d'aujourd'hui sont plus perfectionnés. Il n'est plus nécessaire d'ouvrir le capot, ni d'effectuer le moindre réglage manuel, la voiture reconnait le carburant qui lui est donné, et s'adapte en conséquence.
Cela veut dire qu'une voiture apte à fonctionner à l'essence et à l'E85 est plus sophistiquée qu'une voiture bicarburation classique, par exemple essence & GPL, ou essence & gaz naturel. Puisque sur ces autos, il y a un commutateur au tableau de bord pour passer de l'un à l'autre carburant, alors qu'il n'y en a aucun sur un VCM. Ces autos sont aussi nécessairement plus complexes, du fait qu'elles ne peuvent se contenter de 2 réglages de gestion moteur bien définis : un pour l'essence, un pour le gaz. A bord d'une Flex-Fuel, on fait son plein à l'E85, mais la densité encore très faible des stations fait que le plein suivant peut-être à l'essence.
Et si on va faire son plein alors qu'il reste 20 % d'essence ou d'E85 dans le réservoir, la voiture n'est jamais à l'idéal du 100 % essence ou du 100 % E85. Nous rappellons qu'
E85 signifie 85 % d'
Ethanol mélangé à 15 % d'essence (SP95), mais dans le réservoir, la proportion d'éthanol, cet alcool, varie à chaque plein. De 0 à 85 %, et pour chaque variation de la proportion d'alcool dans le carburant, il faut adapter l'alimentation et l'allumage... Le boitier de gestion électronique se charge de cela, mais ce long préambule a pour but de faire comprendre que convertir une voiture essence à l'E85, n'est pas quelque chose de simple.
Pourtant, presque paradoxalement, on peut faire marcher à l'E85 la quasi-totalité des voitures essence. On peut faire le plein, démarrer (sauf s'il fait froid) et rouler. Mais ce n'est pas parce qu'un moteur tourne, qu'il tourne bien, ou qu'il tournera longtemps. Il faudrait pour cela un kit de conversion. Ce qui n'est pas récent non plus. Les premiers sont apparus aux Etats-Unis après le premier choc pétrolier. Il existait des kits pour convertir son auto au GPL, au GNV, à l'éthanol pur (E100), puis à l'E85 (ce sont souvent les mêmes fabricants qui les fabriquent tous). Ils eurent un succès grandissant. Cela amena l'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA) a s'y intéresser, et les tests qu'elle a réalisée, montrèrent que presque toutes les autos converties rejetaient plus de polluants toxiques avec le carburant alternatif qu'avec l'essence.
Pour contrer cela, l'EPA édicta en 1997 une règlementation particulièrement sévère sur les kits de conversion vers tout autre carburant, et... C'est comme cela que le GPL a disparu des Etats-Unis. L'éthanol aurait pu prendre le même chemin s'il n'avait été soutenu politiquement, puisque carburant américain, et renouvelable. Mais plutôt que d'encourager les kits de conversion, le législateur américain mit en place un petit avantage fiscal pour les constructeurs qui fabriquent des autos compatibles avec l'E85. C'est comme cela qu'il y a aujourd'hui aux Etats-Unis, plusieurs millions de véhicules capables de rouler avec du superéthanol. La plupart de leurs conducteurs l'ignorent pourtant. Le fait était mentionné sur la fiche d'homologation de leur auto, mais personne n'y fait attention. Pour les américains, il existe alors
un site (en anglais) qui donne une liste exhaustive des voitures compatibles.
Mais existe t-il un kit de conversion à l'E85 pour une voiture essence qui soit homologué aux Etats-Unis ? Jusqu'au mois dernier, il n'en existait aucun. Mais un, vient d'obtenir sa certification. C'est du moins ce qu'il dit sur son site Internet, mais nous y avons par ailleurs trouvé des anomalies dans son discours commercial. On ne peut alors le recommander, idem les kits brésiliens. Dans ce pays, il y a le choix pourtant. Les Etats-Unis sont les plus gros consommateurs d'éthanol du monde, mais le Brésil est de très loin, le pays où il y a la plus forte proportion de voitures roulant à l'alcool. Plus de 3 millions d'autos l'utilisent chaque jour. On peut y acheter des voitures qui ne fonctionnent qu'à l'éthanol, des voitures flexibles acceptant aussi bien l'alcool (à 100 %) que l'essence, et des kits pour convertir la plupart des autos du marché.
Reste que ce n'est pas parce qu'un kit de conversion est sur le marché qu'il est recommandable. Les brésiliens savent bien que les meilleures voitures à l'alcool ne sont pas les essences converties avec un kit de chez
trucmuche, mais celles vendues neuves par un grand constructeur. Et pour le français qui envisagerait d'importer un kit brésilien pour le mettre sur sa voiture française, il ne faut pas oublier de considérer que les normes, et les conditions, sont différentes en Amérique du Sud. Les kits brésiliens ne s'occupent pas de corrosion, car toutes les autos vendues au Brésil depuis plus de 30 ans ont des circuits d'alimentation 100 % compatibles avec l'alcool, ce n'est pas le cas en Europe.
MoteurNature possède plusieurs témoignages d'automobilistes qui ont effectué un plein à l'E85, et n'ont eu aucun souci, mais la corrosion est un phénomène lent. On peut faire 5 ou 10 pleins à l'E85, on se dit que tout va bien, et c'est au onzième plein qu'un joint est rongé, et que cela fuit...
Le tour du marché que nous avons effectué en ce début de 2007, ne nous a pas permis de trouver un seul kit de conversion à l'E85 dont nous puissions recommander l'achat. Même en étant partisan à 100 % des biocarburants, ce parti-pris ne peut tout justifier. Nous attendons des kits de conversion prévus, conçus, pour des voitures européennes à la norme anti-pollution EURO-4, et respectant les standards de sécurité européens. On pourra les distinguer à ce qu'ils seront plus sophistiqués que les systèmes Flex-Fuel des voitures neuves vendues au Brésil. Pour elles, l'étalon est le Motronic de Bosch (attention,
Motronic est un nom de gamme, il existe des centaines de Motronic différents), il équipe les Peugeot, Volkswagen et General Motors vendues là-bas. Ce système fonctionne grâce à la sonde lambda, c'est elle qui détecte la proportion d'alcool dans le carburant, en mesurant la quantité d'oxygène dans les gazs d'échappement (plus il y a d'alcool, plus il y a d'oxygène).
Remarquons aussi que le Flex Fuel de Bosch pour le Brésil inclut un réservoir d'essence. C'est un réservoir d'un demi-litre, il ne sert qu'à fournir quelques vapeurs d'essence pour ces rares matins où il fait frais au Brésil, et garantir un démarrage au quart de tour. Mais il démontre que ces kits, qui ne consistent qu'en un boitier électronique ne valent pas grand chose sous les latitudes françaises. Même avec de l'éthanol coupé avec 15 % d'essence... C'est avec un certain regret que nous constatons l'absence de kits de conversion sérieux. On pourrait penser qu'il faudrait en encourager le développement, avec une filière de professionnels certifiés pour les installer, mais c'est selon nous une voie de garage.
On le voit bien avec l'huile végétale brute (HVB). Il est facile de convertir à l'HVB un diesel d'il y a 10/15 ans, avec une injection indirecte, mais ce ne l'est plus avec les derniers modèles. Et ce sera impossible avec les diesels qui seront à la norme anti-pollution EURO-6. L'époque où un particulier pouvait aller chez un garagiste pour convertir son auto à l'usage d'un autre carburant s'achève. Ce n'est pourtant pas nécessairement un mal. Parce que cette perte en souplesse à modifier, a été plus que compensée par un gain considérable en réduction des émissions polluantes, et par une meilleure exploitation de l'énergie. Une Saab 9-5 2 litres turbo fait 150 ch, et a une consommation moyenne officielle de 9,0 l/100 km. La version E85 de cette auto fait 180 ch, avec une consommation de 11,7 l/100 km.
Si une PME avait développée un kit de conversion, cela aurait donné peut-être 155 ch, avec une consommation supérieure à 12 l/100 km. Quel est l'intérêt ? Encore que la Saab soit un mauvais exemple de facilité de conversion, puisqu'elle a un moteur turbocompressé. Regarder comment font les constructeurs est alors très instructif. Renault s'apprête à commercialiser une Megane E85. Le constructeur a à cette fin, modifié le circuit de carburant, le système d'injection, l'électronique moteur, et aussi l'équipage mobile : pistons, soupapes et sièges de soupapes. Comme aucun kit de conversion à l'E85 ne propose de changer les pistons, nous pouvons écrire sans risque d'erreur que ces kits sont inférieurs aux critères qualité en vigueur chez Renault.
Et chez Peugeot, alors ? La marque au lion s'apprête elle aussi à commercialiser une auto compatible à l'E85 (la 307, et la Citroën C4 suivra). Nous avons appris que ces autos n'utiliseraient pas un bloc moteur français, comme toutes les 307 vendues en France, mais le moteur des 307 vendues au Brésil, dans une version francisée. Nous en concluons que pour convertir une Peugeot à l'E85, il faut changer le moteur, et en mettre un brésilien... Toutes ces réserves pourtant, n'empêcheront pas des milliers de particuliers de vouloir convertir leur auto, avec des dizaines de garagistes pour leur assurer que l'opération sera sans soucis...
Nous répétons alors que les kits sur le marché, produits par des PME qui sont loin d'avoir les moyens financiers et les ressources techniques des constructeurs, sont très inférieurs aux autos Flex-Fuel développés par les constructeurs. Qu'ensuite ces kits risquent d'invalider la garantie, qu'enfin aux Etats-Unis, pays libéral s'il en est, faire marcher son auto, avec un autre carburant que celui pour lequel elle a été conçue, constitue un délit ! Cette loi n'est cependant quasiment jamais appliquée.
Il ne reste donc plus que l'argument écologique. A savoir que si une voiture consomme de l'énergie, il vaudrait toujours mieux qu'elle consomme une énergie renouvelable plutôt qu'une qui est fossile. L'argument est valable, sauf que que les ressources renouvelables sont rares et chères. Et qu'alors, plutôt que consommer maladroitement du superéthanol dans une auto qui ne saurait pas l'exploiter pour en tirer le meilleur rendement, il serait peut être plus habile de laisser ce privilège à ceux qui sauront en tirer la plus grande efficience, pendant qu'on fera marcher sa voiture essence avec le carburant pour lequel elle a été conçue. Mais ce jugement est susceptible d'être modifié s'il apparait un kit de conversion à l'E85 réellement performant sur un modèle donné.
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