La recharge des voitures électriques à la croisée des chemins : libre-concurrence ou réseau unique social-patriote ?
Sur Public Sénat le 16 janvier, Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, avait qualifié le gouvernement de
social-patriote, et annoncé la création d'un opérateur national pour équiper la France d'un réseau de bornes de charge pour alimenter les véhicules électriques. Quoi ? Un réseau de bornes de charge social-patriote aux mains d'un gestionnaire unique ?
Avant d'aller plus loin, et considérant que la voiture électrique a vocation à concurrencer (sinon à remplacer) la voiture essence, il faut regarder d'un peu plus près le réseau de distribution des carburants pétroliers.
Il n'y a pas là de réseau unique, mais plusieurs réseaux en concurrence les uns avec les autres. Les automobilistes ont appris à en profiter. Si pour quelque raison que ce soit, on n'aime pas Total, on va chez Esso, et si on n'aime pas non plus Esso, on va chez BP. Il existe ensuite plusieurs qualités de carburants. Les pétroliers, et même Carrefour, commercialisent tous un carburant
premium, mieux additivé. La même chose peut exister avec l'électricité. Il faut faire une différence entre l'électricité nucléaire et éolienne. La puissance du courant de sortie est aussi un facteur de différenciation. L'éventail des technologies disponibles va des bornes parisiennes d'Autolib, qui délivrent un courant de 3,6 kW aux superchargeurs de Tesla, qui sortent du 135 kW. Le gain de temps est clairement appréciable, et il ne serait pas choquant que le prix du kWh en charge rapide soit plus élevé qu'en charge lente.
On ajoutera aussi que les distributeurs d'essence offrent un choix de méthodes de paiement. Espèces, chèque ou carte de crédit. Un pétrolier comme Total propose aussi sa propre carte de paiement.
La France est certes le pays du colbertisme, mais ce n'est pas ce qu'elle a fait de mieux, et on peut donc douter de l'efficacité d'un prestataire unique, surtout quand les prétendants au poste ne sont pas des enfants de chœur. D'après
Les échos en effet, les 2 premiers candidats en lice sont EDF et Bolloré. Soit une entreprise
CGTisée dont les employés bénéficient d'un statut particulier et d'avantages si injustifiés que même
la Cour des Comptes s'en émeut (
lire aussi), face à un milliardaire aux multiples relations politiques. Que ces personnes soient capables de gérer un réseau national de bornes est vraisemblable. Et qu'elles sachent en profiter au mieux de leurs intérêts de cette situation est certain, mais quid de l'intérêt de l'automobiliste ?
M.Monterbourg, et les personnes qui travaillent avec lui, pourraient plutôt s'inspirer de l'exemple de la téléphonie mobile, ou des fournisseurs d'accès à Internet. Parce que c'est quasiment la même activité. Il s'agit d'installer des câbles, et cela ne change pas grand chose que cela soit pour acheminer des données ou du courant électrique. La technologie du courant porteur en ligne fait d'ailleurs les deux, comme les ports USB.
La voiture électrique a besoin d'agitateurs, comme
Free, pour faire parler d'elle, et lancer des offres aggressives.
Le contrat qui lie la France avec la société italienne qui doit gérer l'écotaxe a été critiquée de toutes parts, et il n'y a pas de raison de penser qu'on puisse faire mieux aujourd'hui, en accordant un monopole de gestion sur les infrastructures de charge. Ne pourrait-on pas plutôt accorder des licences d'exploitation de bornes rapides pour un maximum de 1000 bornes ? Avec un minimum d'étalement géographique, et une totale liberté de tarification pour les opérateurs ? Si on reprend l'exemple de la téléphonie mobile, il existe des opérateurs virtuels, soit des sociétés qui concrètement ne possèdent rien. La même chose est faisable avec la recharge des véhicules électriques. Même le paiement n'est pas un souci avec les cartes à puce. On a tous dans la poche une carte bleue, avec laquelle on peut retirer des espèces aux guichets de sa banque, comme des banques concurrentes.
La France s'est déjà magistralement trompée avec Autolib à Paris ou Auto Bleue à Nice, dont les bornes ne sont conformes aux standards européens. Toutes ces bornes sont à changer, mais cela ne doit pas gêner beaucoup M.Montebourg, puisque son
social-patriotisme n'a probablement pas l'ambition de permettre que les voisins de la France puissent aussi utiliser son réseau. Et au fait, comment les quelques bornes existantes seront elles intégrés à ce nouveau réseau dominant ? Le projet de loi sur lequel travaille le ministre doit être présenté ce trimestre, pour un lancement effectif sous les 18/36 mois.
MoteurNature a été le seul à oser le révéler,
la France est le pays d'Europe où les ventes de voitures électriques augmentent le moins. Si le gouvernement pond un système ringard de capitalisme d'état, ou façon Moscou 1917, avec les automobilistes assimilés à des abonnés au gaz, sans aucune liberté de choix, il ne faudra pas s'étonner que les ventes d'électriques patinent.
Laurent J. Masson
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