Mise à jour sans ambition pour le livre vert, guide technique pour la conception et l'aménagement des infrastructures de recharge pour véhicules électriques
La France étant un pays de tradition dirigiste, le gouvernement il y a 4 ans, avait organisé la rédaction d'un livre vert sur les infrastructures de recharge pour véhicules électriques. Les avis sont partagés sur ce document. Il a fait selon nous plus de mal que de bien, et il suffit de comparer la situation de la France avec celle de ses voisins qui n'ont pas eu de livre vert pour s'en convaincre. Mais aujourd'hui, le gouvernement a choisi de publier une mise à jour technique de ce document, avec des idées fortes, et nouvelles. Il faut donc s'y intéresser, avant de pouvoir juger de son caractère positif ou négatif.
Nous présentons les grandes idées de ce document une par une, telles qu'elles sont dans le
livre vert (.pdf 36 pages), suivi de notre commentaire.
La recharge normale définie à une puissance de 3,7 kVA ou 7 kVA
L'information donnée par le Livre Vert :La recharge en 230V 16A (monophasé) constitue la recharge normale, standard pour une voiture électrique, mais il est possible de la doubler (230V 32A) au vu de l'évolution des véhicules.
Le commentaire de MoteurNature :Les auteurs du livre vert ont une vision franco-française de la voiture électrique. Si on traverse la Manche, toutes les Renault Zoé vendues au Royaume-Uni l'ont été avec une wallbox 32A. Toutes. Un chargeur 32A est disponible en option sur la Nissan Leaf en France, il fait partie de l'équipement de série aux Etats-Unis. La recharge 230V 32A devrait être dès aujourd'hui la puissance normale, ou accepte t-on que la France ne soit pas au niveau des autres pays ? Et plus ennuyeux, ne veut-on pas préparer la France aux voitures électriques de demain, les Zoé et les Leaf qu'on annonce déjà avec 300 km d'autonomie ? Ces autos ne pourront pas se recharger en une nuit sur une borne 230V 16A, qui déjà aujourd'hui, est très insuffisante pour une grosse voiture électrique comme une Tesla, sauf à accepter une recharge en 23 heures.
Si on ajoute qu'on trouve dans les magasins d'électro-ménager des plaques de cuisson de 6000 Watts, et dans les magasins de bricolage, des chauffe-eaux instantanés de 5500 Watts, on ne peut être choqué qu'un appareil pour recharger une automobile fasse 7000 Watts. C'est le minimum pour l'avenir où les autos auront des batteries aux capacités toujours accrues. La voiture électrique ne peut remplacer son homologue à essence sans courant fort.
La recommandation officielle de la prise au format Type 2S
L'information donnée par le Livre Vert :L'édition 2011 du livre verte préconisait l'emploi de prises au format
Type 3, cette nouvelle édition recommande le standard européen
Type 2S (Mennekes avec obturateur, à distinguer du
Type 2 classique, sans obturateur).
Le commentaire de MoteurNature :C'était la grande erreur du livre de 2011. Tous les constructeurs s'étaient engagé par le biais de leur association professionnelle (l'ACEA) en faveur du Type 2 dès 2009. Renault était totalement en faveur du Type 2, et ce standard avait obtenu le soutien officieux du commissaire européen à l'énergie, Günther Oettinger, le 7 avril 2011. Mais par la faute d'une règlementation maladroite et d'un lobbying acharné de Schneider Electric, on a installé en France des milliers de bornes Type 3. En cause, la présence d'un obturateur (un petit capuchon de plastique, obligatoire en France) dont le prise Type 2 était dépourvue, et qu'avait la prise Type 3. Tout cela alors que cette nouvelle édition du livre vert continue à accepter la recharge sur une prise domestique ordinaire, sans obturateur. Un enfant qui met ses doigts dans la prise se fait électrocuter, alors que ceci est impossible sur une prise Type 2 : la recharge proprement dite, le passage d'un courant électrique ne commence qu'après un échange de données informatique entre la borne et le véhicule. L'obligation française du capuchon en plastique est d'une stupidité sans nom, cela ne sert strictement à rien, sinon à faire passer les français pour des idiots dans tout le reste de l'Europe.
L'arrivée d'une prise Type 2 avec un capuchon (baptisé Type 2S) est venu solutionner le problème, mais cela va maintenant coûter des millions pour convertir toutes les bornes installées, et changer les câbles de plusieurs milliers d'automobilistes.
MoteurNature recommande d'envoyer la facture à Schneider ou aux hommes politiques qui ont soutenu un standard dont toute l'industrie savait qu'il était condamné : le sénateur Louis Nègre ou l'ancien ministre Arnaud Montebourg.
Les bornes multi-standard recommandées officiellement
L'information donnée par le Livre Vert :La France recommande officiellement l'installation de bornes tri-standard (illustration haut de page). Soit une borne, avec 3 cordons de recharge. L'un en AC 43 kW, l'un en Chademo (DC 50 kW), et le troisième au standard européen Combo 2 (DC 50 kW).
Le commentaire de MoteurNature :Les auteurs du livre vert prennent acte des différentes visions de l'industrie, et ils font un joli cadeau à Renault. Le standard Chademo, inventé par des japonais, est aujourd'hui le plus déployé partout dans le monde, avec déjà 1532 bornes rapides dans la seule Europe. Le standard Combo 2 a tous les constructeurs allemands et américains derrière lui, alors qu'il n'y a que Renault derrière l'AC43 kW. Même l'allié, Nissan, est et restera fidèle à Chademo, et Renault va prochainement lancer sur sa Zoé un nouveau moteur qui n'acceptera plus la recharge à cette puissance (il se limitera à la moitié, 22 kW).
L'idée d'employer le moteur de l'auto pour convertir le courant alternatif en continu est certes excellente, mais dans l'industrie auto, on ne peut avoir raison tout seul. A moins que Renault ne réitère rapidement son engagement sur la durée en faveur de l'AC43 kW, tout indique que ce standard a du plomb dans l'aile.
L'affirmation de la nécessité d'une maintenance efficace
L'information donnée par le Livre Vert :Contrat de maintenance, télésurveillance des points de charge, le suivi et le dépannage rapide de toute défaillance est affirmé comme fondamental. Pour le point de charge rapide isolé, l'objectif est un dépannage sous 2 heures.
Le commentaire de MoteurNature :Voilà une bonne nouvelle ! Comme nous l'avions douloureusement constaté lors de
nos essais, il y a un nombre important de bornes de charge dans ce pays qui sont hors service, et les propriétaires de ces appareils ne se bousculent pas pour les remettre en état. Les auteurs du livre vert ont visiblement saisi toute l'importance d'avoir des infrastructures en état de marche, mais on note qu'ils préconisent des architectures toutes automatisées, sans possibilité pour un automobiliste de signaler une défaillance.
Recharger n'est pas acheter de l'électricité
L'information donnée par le Livre Vert :L’utilisateur final des points de charge ne souscrit pas... un contrat de fourniture d’électricité et n’achète pas de l’électricité (facturation au kWh) mais rémunère un service de recharge qui inclut l’électricité. (p.21)
Le commentaire de MoteurNature :Voilà assurément le point le plus litigieux. Parce qu'il ouvre la porte à toutes sortes de dérive. La Commision des clauses abusives (CCA) vient justement de tirer la sonette d'alarme à propos des fournisseurs d'énergie (gaz et électricité), dans un rapport où elle a recensé pas moins de 31 clauses abusives dans les contrats d'énergie. Si l'électricité n'est pas facturé au kWh, et qu'on facture le fait de recharger comme un service, on prive les automobilistes de tout moyen de comparer simplement les différents fournisseurs. L'exemple à suivre est celui des stations d'essence, avec des grands panneaux visibles de la route pour donner les prix au litre. Et il ne serait pas choquant de voir plusieurs tarifs, selon la puissance (le débit !), et donc la rapidité de la charge.
Un lecteur de badge RFID comme outil monétique minimum
L'information donnée par le Livre Vert :L’équipement de l’infrastructure de recharge doit comporter au minimum un lecteur de badge RFID6 Mifare répondant à la norme ISO 14443-A.Le commentaire de MoteurNature :La question du paiement est assez délicate, dans le sens où les exploitants ne veulent pas d'un appareil de paiement avec des pièces de monnaie (risques de vol, nécessité de collectes régulières), tandis que l'intégration d'un lecteur de cartes de crédit renchérit significativement le coût de la borne. La question est donc loin d'être réglée, elle est surtout appelée à évoluer avec le nombre d'utilisateurs. Il est recommandé pour le moment le minimum, soit un lecteur de badge, certes abordable, mais qui oblige l'automobiliste à avoir ce dit badge... On rappelera alors le droit européen, et notamment la directive du 22/10/2014 qui stipule qu'un opérateur de bornes doit pouvoir autoriser la recharge et le paiement des automobilistes n'ayant pas souscrit de contrat avec lui. Ce qui ne veut pas dire que ce sera au même prix...
L'itinérance très organisée
L'information donnée par le Livre Vert :Le livre vert annonce la création d'une Association Française pour l’Itinérance des Recharges Électriques de Véhicules (AFIREV), avec le but de faciliter l'accès et le paiement aux bornes de différents opérateurs. Pour aller plus loin, il est aussi question de gestion dynamique, en étant prévenu à l'avance de la disponibilité d'une borne.
Le commentaire de MoteurNature :
On est en plein dans la logique de l'abonnement, du client enregistré et fidèlisé, soit tout le contraire de la voiture essence où, pour 99 % des automobilistes, il n'y a aucun lien avec une station service, ni même une compagnie pétrolière. Il n'est pas du tout garanti que cette organisation différente profite à l'automobiliste.
Adoption du standard OCPP, obligation d'enregistrer les bornes
L'information donnée par le Livre Vert :L’IRVE... doit être communicante (mode filaire ou radio) permettant à chaque point de charge au sein d'une station de charge de communiquer avec ce système de supervision. Le protocole le plus adapté et le plus répandu pour cette communication est OCPP (Open Charge Point Protocol).Le commentaire de MoteurNature :Ou une nouvelle qui nous ravit, puisque
MoteurNature n'est peut-être pas étranger dans le choix de l'OCPP, un standard libre. Si la chose est essentielle pour l'exploitant, on s'en réjouira aussi en ce qu'elle permettra de faire des statistiques, comme le nombre de recharges dans le mois, ou la quantité de kWh distribuée.
Conclusion
Si on trouve aussi dans ce nouveau guide technique, des préconisations relatives à la sécurité, comme l'obligation d'installer des extincteurs, on ne peut que regretter de ne pas chercher à combler le retard des infrastructures sur les voitures. Les voitures capables de se recharger très rapidement, avec un courant de 100 kW sont en effet dans la rue. La BMW i3, qui utilise le standard Combo 2, a été prévu pour accepter les recharges jusqu'à 100 kW. On peut
faire le plein en un quart d'heure. La Kia Soul EV utilise une version améliorée du standard Chademo, et elle aussi peut se recharger
avec un courant de 100 kW, permettant de faire 100 km après seulement 20 minutes de charge. Voilà le vrai progrès : des temps de recharge plus courts !
Les constructeurs y croient, ils développent de bons produits, avec des fonctions améliorées pour plaire aux automobilistes. Tout le drame de cette mise à jour technique du livre vert est là. C'est très visible, on trouve dans le document que le mot
automobiliste n'est employé qu'une seule fois, alors que celui d'
opérateur est utilisé 64 fois. Alors oui, le gouvernement fait des trucs autour de la voiture électrique, mais personne ne se demande si cela va plaire aux automobilistes. Ne sont-ils pas les premiers intéressés ?
Laurent J. Masson
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