Infrastructures de recharge, un écosystème à refaire
Les ventes de véhicules électriques sont en hausse en France. Tout le monde évidemment s'en réjouit, mais dans le lot, il y a gens qui s'ils devraient être du côté des automobilistes, en fait ne le sont pas. Ce sont les personnes derrière les bornes de recharge.
De nouveaux acteurs nés de l'opportunité
C'est un écosystème nouveau et étrange qui se développe derrière les bornes. Dans le commerce traditionnel, qu'il concerne l'essence ou les pommes de terre, on trouve les producteurs (compagnies pétrolières ou paysans), la distribution (dans les supermarchés ou les marchés au cœur de villes), et enfin les consommateurs. Alors que derrière les bornes de recharge, il y a les opérateurs de recharge, les opérateurs de mobilité, Gireve qui est un opérateur d'intermédiation, l'association professionnelle Afirev... Il est trop tôt pour juger de l'efficacité, voire même de l'utilité, de tous ces acteurs, mais on rappellera quand même qu'à l'idéal, le meilleur pour l'automobiliste serait une relation directe avec le fournisseur d'énergie. Comme celle qu'ont les gens ont à leur domicile.
Car s'il se développe un écosystème qui n'a rien de simple, le corollaire est que la recharge non plus ne le sera pas. Le paiement à l'acte, théoriquement exigé par la règlementation, dans la majorité des cas n'est pas opérationnel. En cause, la petitesse des montants à facturer, et les voitures électriques de première génération avec leurs batteries rikiki qui sont encore la majorité. Quand la Chevrolet/Opel Bolt avec sa batterie de 60 kWh, la Hyundai Ioniq avec 40 kWh, l'Audi Q4 e-tron avec 70 kWh, et la Q6 avec 95 kWh seront commercialisées, les choses seront différentes. Encore plus, quand le prix de l'électricité devra prendre en compte le coût du démantèlement des vieilles centrales nucléaires.
Pour autant, même avec des petites sommes, le paiement à l'acte est très possible. Un monnayeur sur chaque borne poserait assurément un problème de sécurité, mais dans les hypermarchés Leclerc, on peut payer avec une carte de crédit dès un euro d'achat. Et si un lecteur de carte coûte cher, un système d'échange de SMS ne l'est pas (sans smartphone). La France autorise les SMS surtaxés jusqu'à 4,50 €. Un numéro de téléphone sur la borne, l'automobiliste le compose, il reçoit un code d'accès à 4 chiffres, il branche son auto dans les 3 minutes, et il a droit à 10 kWh. Cela marche très bien... Dans les autres pays d'Europe, mais la France a choisi la voie de l'abonnement et du fichage.
L'automobiliste toujours une vache à lait
Il n'y aura bientôt plus une seule borne de recharge en France accessible sans carte. Une carte RFID, nominative, liée à une auto unique et identifiée, valable sur un nombre de bornes limité, sur un territoire encore plus limité. On n'évoquera pas ici la question de l'interopérabilité, qui est un autre problème, mais on voit une belle opportunité de business : vendre des porte-cartes aux propriétaires de voitures électriques. Il en faut au moins 15. On constate ensuite une nouvelle évolution de la société de consommation. C'est le Capitalisme II. Consommer ne suffit plus, il aussi payer pour avoir le droit de consommer ! Il est certes vrai que beaucoup se sont débrouillés pour avoir une carte gratuitement, mais normalement, toutes les cartes sont payantes. Il faut payer (10 ou 15 €) pour avoir le droit d'acheter de l'électricité aux bornes de recharge ! Et parfois, cela ne suffit même pas. Chez Bluecub, Siéml ou Kiwhi Pass, il faut aussi payer tous les mois un abonnement, qu'importe qu'on n'achète ou non de l'électricité. Et ce n'est pas tout.
Si on veut demander une carte chez l'opérateur Belib, l'automobiliste est invité à s'inscrire et à créer son espace personnel. Mais pourquoi faire ? Chez l'opérateur Kiwhi Pass, l'automobiliste doit indiquer sa date de naissance.
Faut-il coucher ? Dans une station-service, on peut acheter autant d'essence qu'on veut, sans personne pour demander l'âge du client, ni pour poser la moindre question. On a le sentiment que les automobilistes et les opérateurs de mobilité électrique ne vivent pas dans le même monde. Les premiers ne veulent qu'une seule et unique chose : acheter de l'électricité. Rien d'autre. Quant aux seconds, ils font souvent partie de la nouvelle économie, où suivant l'exemple de Facebook, la frontière entre marchandise et client n'existe pas. Le premier opérateur de mobilité électrique est autour de la carte Kiwhi Pass, et son PDG, Claude Muller, avait récemment déclaré sur
AutoActu que
« Grâce à Kiwhi Pass, nous bénéficions d'une base de données hyper qualifiée qui peut intéresser de nombreux partenaires ».
Un écosystème mal né, à réinventer
La minorité des tifosi de la voiture électrique acceptera bien sûr toutes ces contraintes et indélicatesses, mais si on veut que la majorité, que des millions d'automobilistes se convertissent à la mobilité électrique, il faudra que l'achat d'électricité se rapproche de la facilité avec laquelle on achète de l'essence. Comme souvent, l'exemple à suivre est celui du diesel. Les constructeurs de diesel ont lancé un nouveau produit récemment : l'Adblue. Un liquide aqueux qui aide à la dépollution des moteurs. Sans tambour, ni trompettes, il est désormais en vente dans tous les magasins Norauto et Feu Vert, dans toutes les stations service et dans de nombreux supermarchés. Pourquoi ne peut-on faire aussi simple pour vendre de l'électricité ? Dans ces mêmes réseaux de distribution, si quelqu'un pouvait proposer des cartes préchargées, 50 kWh ou 100 kWh, anonymes (!), sur le modèle des anciennes télécartes, ce serait un grand pas pour la mobilité électrique.
En attendant cela, on méditera sur le succès de Tesla, le seul à disposer d'un réseau de bornes ultra-rapides pratique d'emploi, puisqu'on en paye un droit d'usage illimité lorsqu'on achète l'auto. C'est le rêve, et devant lui, nous conseillons à nos lecteurs de résilier tout abonnement avec une mensualité fixe même quand on ne s'y branche pas, et de refuser de répondre à toute question personnelle, comme l'âge.
Laurent J. Masson
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