La conduite autonome : plus de liberté ou dépendance et aliénation ?
Pour le meilleur et pour le pire, les voitures deviennent intelligentes. C'est un processus qui a débuté en 1972. Les ceintures de sécurité sont certes plus anciennes, mais alors qu'on faisait confiance au jugement du conducteur, pour attacher, ou non, sa ceinture, on a vu apparaitre en 1972 le premier
buzzer, assorti d'un témoin lumineux, qui se substituait à l'intelligence du conducteur pour lui suggérer de boucler sa ceinture. 2 ans plus tard, le dispositif devenait obligatoire aux Etats-Unis. S'il est aujourd'hui bien établi que la ceinture sauve des vies, on peut regretter que son bouclage ne soit pas pour certains un geste pour sa sécurité, mais un réflexe pour éviter une amende. Le témoin de bouclage de la ceinture ne fut pourtant qu'un début. L'ABS fut une innovation majeure pour la sécurité. Un vieux conducteur aura appris qu'il fallait souvent doser son freinage, mais il n'y a plus besoin de cela aujourd'hui. On peut appuyer sur la pédale de freins sans aucune modération, et c'est bien bien. On a simplifié la conduite.
Idem pour la conduite sur la neige, ou dans des conditions d'adhérence précaire, grâce aux systèmes de contrôle électronique de traction. Ces dernières années, on a encore simplifié en automatisant les tâches d'allumage des feux, et la mise en marche des essuie-glaces. Les commandes de conduite proprement dites ont elles aussi été simplifiées. A vitesse stabilisée, on peut éviter de maintenir son pied sur l'accélérateur grâce au régulateur de vitesse. Et il n'y a plus besoin de savoir faire un démarrage en côte, puisque les autos ont des systèmes d'assistance qui gardent les freins sous pression après qu'on ait levé le pied de la pédale, et sur les routes bien balisés, la voiture fait
bip-bip si on franchit une ligne blanche.
On peut poser la question de savoir si un jeune conducteur, qui n'aura connu que des autos dotées de tous ces équipements, conduirait aussi bien une ancienne qui en serait dépourvu. On constate déjà hélas qu'un nombre croissant de personnes sont incapables de lire une carte routière. Les premiers GPS avaient une vertu. En 2 dimensions, avec le Nord en haut, ils prodiguaient un certain sentiment d'assurance. Le conducteur savait où il allait, puisqu'il voyait une carte avec les points cardinaux. Sur les derniers modèles, en 3D, le conducteur est placé au centre du monde, et le GPS lui montre ce qu'il y a devant lui. On part d'un point A pour se rendre en un point B, et la machine dit où et quand il faut tourner, mais le conducteur n'a plus aucune idée de la situation du point B par rapport au point initial.
On parie que bientôt les noms de lieux seront supprimés. On verra sur le GPS, les appellations
maison,
boulot,
supermarché,
MacDo,
pizza,
cinéma. Il n'y aura que les intellectuels réactionnaires qui ne s'en satisferont pas. Avec les voitures autonomes qu'on annonce pour demain, il n'y aura plus aucune nécessité d'avoir le moindre sens de l'orientation. Quand on pense qu'il y a encore seulement un demi-siècle, des marin-navigateurs se déplaçaient partout dans le monde rien qu'en regardant la position des étoiles, il est difficile de parler de progrès. Certains voient déjà la voiture autonome comme une libération, mais d'autres s'interrogent déjà sur l'utilité du permis de conduire. Le futur immédiat est une période de transition, où les automobilistes qui savent conduire vont croiser ceux qui ne le sauront plus. A plus long terme, l'automobiliste regardera chez lui vendredi soir, le film
Un homme et une femme, et quand il montera dans sa voiture le samedi matin, et dira qu'il veut aller en week-end, la voiture l'emmènera directement à Deauville. Mais que vaudrait le film de Lelouch, si Jean-Louis Trintignant n'y conduisait pas la Ford Mustang ?
L'automobiliste risque de perdre tout contrôle. Les moteurs de recherche qui font aujourd'hui des suggestions de recherche feront demain des suggestions de destinations, mais ils ne sont pas neutres. Le conducteur sera à la merci d'une timeline aux mains de publicitaires, qui enchériront pour lui dire où aller, et où s'arrêter. Tout déplacement deviendra une opportunité d'exposer l'automobiliste à quelque offre commerciale, puisque tous les déplacements précedents ont été enregistrés, avec la machine qui aura identifié la finalité de chaque arrêt. Il y a déjà des commerces en ligne qui expliquent que les clients qui ont acheté un article donné ont aussi acquis l'article suivant. Demain, l'automobiliste qui est allé à Blois et Chambord se verra proposer d'aller à Chenonceau. Ou si après être allé au McDonald le mardi, et au Quick le mercredi, qui paiera le plus cher pour être affiché au tableau de bord le jeudi midi : Burger King ou KFC ?
La conduite autonome, la voiture intelligente et connectée, soulèvent assurément de l'enthousiasme, mais on aura toujours à l'esprit que ceux qui s'en réjouissent le plus sont des financiers.
Laurent J. Masson
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