Nikola One : le pari fou du camion électrique à hydrogène
C'est le dernier bastion du diesel : le poids lourd. Le véhicule de transport de marchandise sur longue distance, où fiabilité et grande autonomie sont indispensables. On se doutait bien que quelqu'un tenterait un jour de lancer une alternative non polluante, c'est Nikola Motor qui relève cet énorme challenge. La difficulté est en effet immense, parce que si sur une voiture, on peut sans trop de difficulté remplacer le moteur essence et son réservoir par un moteur électrique et une batterie, ce n'est pas possible sur un poids lourd. La quantité d'énergie nécessaire est tout simplement impossible à placer dans des batteries. Il faudrait presque 10 tonnes de batteries, parce qu'un poids lourd qui aurait moins de 1000 km d'autonomie n'intéresse personne.
Mercedes, leader du véhicule lourd a relevé le gant avec son
concept Urban eTruck, mais comme son nom le précise d'emblée, avec 200 km d'autonomie, il est limité aux déplacements urbains. Voici alors la révolution. Le Nikola One est annoncé avec une autonomie théorique entre 1300 et 1900 km (entre 800 et 1200 miles). Ses 4 moteurs électriques fournissent une puissance totale de 1000 ch, avec un couple de 2711 Nm. Trevor Milton, le PDG fondateur de Nikola Motors explique que ses camions pourront monter les côtes plus rapidement que n'importe quel camion diesel. Et qu'ils récupèreront beaucoup d'énergie dans les descentes, tout en économisant les freins, merci la propulsion électrique.
Pour alimenter cela, il a choisi une batterie qui ne fait en fait office que de tampon, puisqu'il y a derrière une pile à combustible (PAC) pour l'alimenter en continu. Ou presque. Répondant à un journaliste, il estime que la PAC ne tournera que 50 % du temps. Cela pourra cependant varier grandement en fonction du terrain. Les chiffres donnent le vertige avec une batterie d'une capacité de 320 kWh, une PAC de 200 kW, et un réservoir de 100 kg d'hydrogène. Pour que cela prenne le moins de place possible, les ingénieurs ont retenu l'hydrogène liquide. Un excellent choix, que
BMW avait déjà fait il y a 10 ans avec son Hydrogen 7. Et Nikola Motors d'expliquer que son camion est ainsi plus léger qu'un équivalent diesel.
On a pourtant du mal à le croire... Même si le constructeur dit que ses packs batteries sont les plus légers du marché. Avec de surcroît 4 moteurs électriques de propulsion, des moteurs au standard poids lourd, donc nécessairement plus gros que ceux qu'on voit dans les voitures particulières. La PAC réside dans le coffre noir à l'arrière de la cabine. Les 4 moteurs électriques sont entre les 2 essieux arrières, le réservoir d'hydrogène et la batterie étant dans le soubassement avant. La cabine enfin, est très confortable. Elle bat même tous les records avec un écran de 21 pouces (53 cm) sur la console centrale ! Et pour dormir, s'il y a une version petits déplacements, la Nikola Two, (en rouge) sans lit arrière, la version maxi, la Nikola One, propose 2 lits superposés de 1,50 m de large !!!
C'est prévu pour l'Amérique, avec un véhicule tracteur qui fait 3,96 m de haut, et 8,10 m de long. Sans la remorque. Ce ne sera pas commode pour assurer les livraisons rue Mouffetard à Paris, mais Trevor Milton a résolu le problème simplement, en indiquant qu'il ne prendrait aucune commande hors des Etats-Unis ou du Canada. Car il y a autre problème, plus grand encore, qui est l'approvisionnement en hydrogène liquide. Dans la décennie précédente, Linde (en liaison avec BMW) avait présenté un vaste projet de distribution d'hydrogène liquide dans toute l'Allemagne. Il n'a malheureusement débouché sur rien. Nikola Motors doit se trouver un partenaire solide pour cette partie de son projet, Air Products ou L'air liquide, mais la jeune entreprise surprend là aussi, puisqu'elle projette de fabriquer son hydrogène elle-même.
Et de manière parfaitement renouvelable s'il vous plait, avec des centrales solaires de 100 mégawatts chacunes, qu'elle implantera un peu partout sur le continent américain, en fonction des besoins. Ces centrales électriques seront dotées d'électrolyseurs pour fabriquer de l'hydrogène, lequel sera ensuite liquéfié, toujours sur place, et les camions du constructeur se chargeront de l'acheminer aux futures stations de distribution de carburant, partout dans le pays. Ils ont d'ailleurs déjà établi la carte de ces 364 futures stations d'hydrogène liquide. Et si bien sûr, on se réjouit devant la vision aussi ambitieuse d'une start-up, on ne peut plus manquer de préciser que monter ce projet demandera un investissement d'assurément plus de 10 milliards...
Alors que pour l'heure, Nikola Motors est une PME de 35 personnes, qui n'a jamais demandé la moindre subvention, et qui ne prévoit nullement d'en demander. Plusieurs gros investisseurs sont derrière eux, et le plus important est assurément le partenariat de Ryder. Tous les américains connaissent ce nom, c'est celui d'un loueur de véhicules utilitaires. Il sert pour les particuliers qui veulent déménager, mais de nombreuses sociétés de transport utilisent aussi ces services de manière permanente. A plus grande échelle qu'Arval en France, Ryder loue des milliers de poids lourds en leasing pluri-annuel aux Etats-Unis. Ryder est le propriétaire de 231 000 véhicules, qui parcourrent plus de 10 milliards de km par an, et pour lesquels les mécaniciens de Ryder procèdent à 600 000 opérations de maintenance. Le soutien de Ryder est un formidable gage de confiance en Nikola Motors, Ryder sera d'ailleurs l'unique distributeur des camions Nikola.
Comme Renault qui refuse de vendre les batteries de ses Zoé, Nikola ne vendra pas ses camions. Ils seront uniquement disponibles en leasing, contrat de 72 mois, mensualité de 5000 à 7000 $ par mois, carburant inclus. A priori, c'est intelligent. Car si Elon Musk a réussi le pari de Tesla, c'est parce qu'il a réussi à faire de ses autos des produits à la mode, hautement désirables pour les riches américains branchés. Mais les gens qui achètent des poids lourds se moquent d'avoir un objet à la mode. Ils veulent un outil de travail. Et quand le client d'un Mercedes Actros a la certitude qu'il pourra faire 5000 km sans souci chaque semaine, on ne peut que s'interroger sur le produit d'un nouveau constructeur, qui n'a même pas encore d'usine, dont les choix techniques sont encore loin d'avoir prouvé leur viabilité, surtout pour le transport lourd. Trevor Milton dit qu'il aurait déjà des commandes pour 4 milliards, mais quand les véhicules ne sont pas à vendre, on ne voit pas bien à quoi correspond cette somme...
Le nom de
Nikola fait une fois de plus référence au génial inventeur serbe Tesla, et peut-être de manière plus grande que le constructeur automobile de Californie, puisqu'en proposant une technologie zéro émission pour le transport sur longue distance, Nikola Motors veut faire à court terme ce que beaucoup ne croyait possible qu'à long terme. Il est réellement possible de remplacer le trasport diesel par un transport à l'hydrogène. Mais que personne ne sous-estime la difficulté de la tâche, et encore moins le budget colossal pour y parvenir.
Rechercher sur ce site :
Dernières actualités de l'écologie automobile :
21-11-2024 —
Mercedes lance un nouveau moteur dans sa CLA — 4 cylindres turbo-essence.
20-11-2024 —
Jaguar, un nouveau logo pour amuse-bouche — La réinvention en marche.
20-11-2024 —
Stellantis annonce sa plateforme électrifiée pour pick-ups — Ils ne travaillent pas très vite.
19-11-2024 —
Abarth dit adieu à l'essence à cause des taxes — Et aussi adieu à l'originalité.
18-11-2024 —
Voiture de l'année 2025, la R5 grande favorite — Les électriques en force.
17-11-2024 —
La Xiaomi SU7 Ultra à 359 km/h, autonome aussi — Double performance.
16-11-2024 —
La BYD Yangwang U9 fait un temps au Nurburgring — Un bon début.
15-11-2024 —
Zeekr va prendre le contrôle de Lynk & Co — Cela ne changera pas grand chose.
15-11-2024 —
Prime à la conversion : la fin du gaspillage — Après la destruction de dizaines de milliers de voitures.
14-11-2024 —
Porsche Taycan, la gamme élargie avec la Taycan 4 et la GTS — Bientôt la fin du leadership ?
Nos derniers essais :