La supercar hybride à turbine de Techrules, peut-on y croire ?

C'était assurément la voiture la plus incroyable du salon de Genève. Une voiture hybride-électrique, capable d'atteindre les 350 km/h, avec 2000 km d'autonomie. Ces chiffres sont inédits, et ils témoignent d'un bond en avant de la technologie, parce qu'hier, ils appartenaient à la science-fiction. Seconde surprise, ces chiffres sont avancées par une entreprise chinoise totalement inconnue : Techrules. On ne sait donc à quoi s'attendre, et on regardera alors l'auto dans les détails pour en savoir plus, avec d'autant plus d'intérêt que les ingénieurs chinois n'ont pas retenu un moteur à piston dans leur architecture hybride, mais une turbine.

Côté propulsion électrique, Techrules n'a pas fait les choses à moitié. Il a tout au contraire fait les choses de la manière la plus compliquée possible. Ce prototype ne compte pas moins de 6 moteurs ! Il y a un moteur par roue, sauf pour les roues arrières qui en ont 2 chacune. L'avantage est que cela permet de les standardiser. Ces 6 moteurs sont identiques, avec donc une répartition de la puissance 33 % / 66 % entre l'avant et l'arrière. Un moteur seul ne pèse que 13 kg, et tous ensemble ils produisent un total de 768 kW, soit 1044 ch. Avec une coque tout en carbone, le prototype ne pèse que 1380 kg, mais Techrules annonce l'objectif de réduire cette masse sous la tonne pour le modèle de série. Fabuleux !

Par contre, énorme surprise, déception même, au niveau de la batterie, puisque celle-ci, une lithium-ion avec 2376 petites cellules Lithium-Manganese-Oxide (même format de cellules que chez Tesla), n'a qu'une capacité utile de 20 kWh. Soit moins qu'une Renault Zoé. On imagine que pied au plancher, les batteries ne dureront que 90 secondes... On peut aussi s'interroger sur la durabilité d'un pack aussi limité, si le conducteur a le pied lourd. Les cellules seront très fortement sollicitées... Techrules, officiellement, se garde de donner le moindre chiffre d'autonomie en mode électrique, mais avec une telle puissance disponible, les possibles varieront au moins de 1 à 10. Soit peut-être de 10 à 100 km...
L'élément générateur du groupe propulseur sera donc appelé à fonctionner souvent, bien que ce soit uniquement pour recharger la batterie. Nous avons affaire à un pur hybride série, sans aucune liaison mécanique entre la turbine et les roues. Cette turbine surprend au premier abord par la petitesse de ses dimensions. De visu, elle n'est pas plus grosse que le réservoir d'une Harley Davidson. Mais cela s'explique simplement par sa faible puissance, ridicule même. Cette turbine ne sait fournir que 36 kW. L'appellation hybride nous semble alors usurpée. Quand la puissance de la génératrice est de moins de 5 % du groupe propulseur, il faut plutôt parler d'électrique avec un prolongateur d'autonomie.

Autre caractéristique surprenante, il n'y a pas de réducteur entre la turbine et la génératrice. Les 2 tournent au même régime, ce qui ne serait un problème si les turbines n'avaient des régimes aussi élevés. 96 000 tr/mn. C'est le régime normal de la turbine, et donc aussi celui du moteur électrique qui est derrière. On ne prendra pas de pari sur sa longévité. Autre surprise, la lubrification de la turbine. Ce n'est normalement pas un souci, cela se fait très bien avec de l'huile, comme sur n'importe quelle mécanique. Mais Techrules aurait amélioré cela par un système à air comprimé. Les pièces ne se touchent pas, il y a de l'air comprimé entre chaque. Cela ne marcherait pas sur un moteur à piston, mais peut-être que cela marche sur une turbine...

Cette lubrification originale aiderait à améliorer l'efficacité énergétique, à la base déjà très bonne d'une turbine, pour parvenir à cette autonomie extraordinaire de 2000 km. Sauf que ce chiffre n'a rien de surprenant si on considère la capacité du réservoir : 80 litres. Surtout que cette autonomie n'est pas atteinte avec de l'essence, mais avec un carburant plus énergétique : du kérosène. La moyenne ressort à 4 l/100 km, ce qui est bien, mais pas extraordinaire pour un hybride. D'autant plus que les performances ne seront plus du tout celles d'une supercar une fois la batterie déchargée. La puissance disponible sera limitée par celle de la turbine, donc à 36 kW. La Techrules est peut-être capable de parcourir 1 km à sa vitesse de pointe (on peut même en douter), mais sur une autoroute allemande, elle sera incapable de soutenir une vitesse de croisière de plus de 160 km/h.
Tout cela n'est cependant pas très important, puisque renseignement pris, cette voiture, qui existe en 2 versions, route et circuit, n'est en fait qu'un faire-valoir. La société pourrait en valider la production de quelques exemplaires, en Italie, mais son but réel est de devenir équipementier, et de vendre des turbines aux constructeurs autos, parce que c'est selon elle la meilleure solution pour un hybride. Une turbine est compacte, fiable et efficiente, elle est de surcroît poly-carburant. Le prototype, que notre vidéo montre sur le circuit anglais de Silverstone, a été développé avec du kérosène, mais il pourrait aussi facilement accepter du gaz naturel ou n'importe quel hydrocarbure, éventuellement d'origine agricole. Avec cependant une autonomie plus faible, si le carburant a une moindre densité énergétique.

On verra prochainement des démonstrations publiques d'une auto Techrules, mais il reste que le groupe chinois a encore beaucoup à faire pour convaincre un constructeur que doter une électrique d'une turbine comme prolongateur d'autonomie est une idée judicieuse. Idem pour les persuader qu'il est un fournisseur fiable. Mais... Par son design et ses performances, il est sûr que la voiture a impressionné tous les visiteurs du salon à Genève.




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