J'ai conduit la Honda NSX hybride - La nouvelle vague
Historique et présentation
L'histoire commence en 1969. Année érotique chantait Gainsbourg, mais aussi année Honda, puisque c'était l'arrivée en Europe de la CB750. Quand une des meilleures motos de l'époque était la Norton Commando, une bécane à laquelle il fallait donner de l'huile à chaque plein, et qui demandait une grosse révision tous les 1000 km. Comme elle tombait en panne tous les 500 km, on faisait la révision une panne sur deux. Arrive la Honda CB750. Une moto dont les carburateurs ne se déréglaient pas toutes les semaines, et dont l'embrayage ne se transformait pas en guimauve après quelques démarrages rapides. C'était l'événement ! 20 ans plus tard, Honda refait le même coup sur le segment des supercars, avec la NSX. Comme pour la CB750, c'est par sa qualité de construction, et le soin inouï apporté à chaque minuscule détail, que la NSX fait sa différence, et creuse l'écart avec toute la concurrence. La Honda CB750, et la déferlante de l'industrie japonaise qui allait suivre, entraîna la faillite de quasiment tous les constructeurs anglais de deux roues, et la NSX obligea Ferrari à se remettre en cause pour rester au niveau. C'est dire combien Honda peut frapper fort quand il le veut...
Plus de 25 ans plus tard, voici une NSX de seconde génération. Parce que l'époque a changé, elle est très différente de son ancêtre. La NSX est certes toujours une biplace ultra sportive, mais son moteur est suralimenté, c'est désormais une traction intégrale, et une hybride. Ce qui signifie malheureusement que la NSX II est beaucoup plus lourde que son ancêtre. L'écologiste bien sûr, se réjouit de l'arrivée de l'hybridation, et si le puriste, le vrai amateur de mécanique, s'en effraie, il devrait être rassuré par la puissance plus que doublée. Quand la NSX originale se contentait en effet de 270 ch, la nouvelle donne 581 ch. On ne plaisante plus !
Les ingénieurs se sont d'ailleurs donné du mal, puisqu'il y a 4 moteurs. On a d'abord un petit moteur électrique (37 ch et 73 Nm de couple, chacun) pour chacune des roues avants. Pour éviter de grossir les masses non suspendues, ils ne sont pas dans les roues, mais au centre du train avant, avec une gestion électronique qui autorise le
torque vectoring (un moteur peut accélérer ou freiner plus que l'autre). Et à l'arrière, ou plus précisément en position centrale, puisque nettement en avant du train arrière, on trouve juste derrière les sièges, la batterie, puis le moteur V6 essence, suivi du troisième moteur électrique de l'auto, lequel est accolé à la boite de vitesses à double embrayage, et 9 rapports. Les japonais ne font jamais les choses à moitié...
Le moteur V6 est en position longitudinale, comme sur une Formule 1, ce qui est mieux que la NSX originale qui avait son V6 implanté transversalement. La cylindrée ensuite est un peu supérieure, elle est passée de 3 litres à 3,5 litres, mais la grosse nouveauté est que ce bloc est suralimenté. Il y a 2 turbos, avec une pression de suralimentation très modeste de 1,05 bar. A titre de comparaison, sur le V8 4 litres de l'AMG GT, elle est de 1,1 bar sur la version de base qui sort 462 ch de son 4 litres, et de 1,2 bar sur l'AMG GT S de 510 ch. Pendant que le V6 3,5 litres Honda sort 507 ch, constants entre 6500 et 7500 tr/mn. Le couple, quant à lui, est de 550 Nm, constants sur une plage énorme de 2000 à 6000 tr/mn. Caractéristique à souligner, l'alimentation est double, directe et indirecte, mais c'est l'injection directe qui sert le plus. L'injection indirecte ne sert essentiellement qu'à pleine charge. On ajoutera que le moteur électrique arrière (48 ch et 147 Nm de couple) est multi-tâches, puisqu'en plus de servir à la propulsion, il fait aussi office de démarreur. La puissance totale disponible avec ces 4 moteurs est de 581 ch, c'est donc de la bonne nipponerie tout cela.
Maintenant, si la propulsion de la Honda NSX est impressionnante, les aspects pratiques n'ont pas été oubliés. La NSX est d'une longueur raisonnable de 4,49 m, et si elle est large de 1,94 m, la vision vers l'avant est absolument formidable avec un très grand parebrise, des montants étonnement fins, et un volant avec un méplat sur le dessus. Assis aux commandes, je fus aussi surpris de la visibilité arrière, meilleure que une Megane IV. Mais c'est la Renault qui est particulièrement mauvaise sur ce plan, alors que la Honda est remarquable pour ce type de voiture. L'habitacle a de plus été conçu pour les grands gabarits américains, et on est loin de l'intérieur étriqué des supercars italiennes. Les sièges sont nettement plus larges que ceux d'une BMW i8. La NSX est facilement utilisable au quotidien. Il est d'ailleurs aisé de s'installer à bord, avec des portières longues, et des sièges qui se reculent automatiquement pour faciliter l'assise. Comme toutes les GT modernes, il n'y a plus de levier de vitesses, mais des palettes derrière le volant, et la console centrale est si haute qu'elle forme un large accoudoir. Ce n'est pas pour me déplaire. Avec une décoration rouge et noir, et quelques éléments dans une finition d'aluminium, je suis bien installé, et je démarre calmement.
Les premiers tours de roues s'effectuent en grande douceur. Je perds vite mon appréhension de départ. Ce n'est pas tous les jours que je conduis une monture de pareille calibre, mais la mécanique me paraît incroyablement disciplinée. Tout est sous contrôle, tout me paraît même presque aseptisé. Je remarque d'abord que je suis bien dans une voiture hybride. Le moteur essence démarre, puis se coupe automatiquement (on peut faire 1000 mètres en ville sur la seule force de la batterie), et il y a un afficheur charge/décharge au tableau de bord, à la manière des autres hybrides du constructeur. La boite automatique passe très vite les rapports supérieurs, et le régime moteur reste au même niveau que sur un diesel. C'en est même assez déconcertant. J'avais en effet lu la doc, la veille de l'essai, et j'ai donc à l'esprit que j'ai dans les mains une supercar de 600 ch capable de rouler à plus de 300 km/h. Mais je n'arrive pas à faire de lien entre cette idée dans mon cerveau, et mon ressenti de la conduite. C'est alors que le monsieur de chez Honda qui m'accompagne, assurément un connaisseur, puisqu'il possède une NSX I, me fait une suggestion comme je les aime :
On pourrait essayer le Launch Control ?
Alors là, d'accord. Je suis toujours partant, quand il s'agit de faire des trucs marrants. Il y a justement une belle ligne droite devant, c'est l'occasion de voir ce que la NSX a dans le ventre. Je vois mon copilote manipuler une commande à laquelle je n'avais pas encore fait grande attention, c'est le sélecteur de mode. Une molette rotative sur la console centrale. Il me dit d'appuyer sur le frein avec le pied gauche, mais étant habitué aux boites autos, c'est ce que je fais déjà. Il me dit ensuite d'appuyer à fond sur l'accélérateur.
Ouais ! Je veux ! Mais... Je ne me ferais jamais aux commandes électroniques. Il ne se passe rien. Enfin si, quand j'ai enfoncé mon pied droit, j'ai entendu le moteur légèrement tressaillir, mais il est vite revenu à son régime de ralenti. J'aurais aussi vu l'aiguille du compte-tours faire une pichenette, mais c'est déconcertant d'avoir le pied droit au plancher, avec le moteur qui tourne au ralenti. L'électronique va donc tout gérer. Les 3 moteurs électriques, le V6 biturbo, quand je vais lâcher les freins, ça va envoyer la purée en grand, et je n'aurais à me soucier de rien, la traction étant parfaitement sous contrôle. Bon, bah, d'accord.
Rhâââh ! Il n'y a pas à tortiller. Les voitures de 200 ch, c'est bien. Les voitures de 300 ch, c'est pas mal non plus, mais le vrai pied, ce sont les voitures de plus de 500 ch. On compte dans sa tête, un, deux, trois, et il y a 3 chiffres qui s'affichent sur le cadran digital de l'indicateur de vitesse. La NSX a une vitesse de pointe de 308 km/h, je ne l'ai pas vérifié, et elle passe de 0 à 100 km/h en 3 secondes, je peux en témoigner. Et il y a de la reprise. Au démarrage ou à bas régime, les turbos ne sont pas toujours prêts, mais les moteurs électriques le sont, pour répondre im-mé-dia-te-ment à la sollicitation du conducteur. Mais le plus fort dans cette histoire, est que
j'ai été eu. Je ne m'attendais pas à pareille fête. Je connaissais les modes ECO et POWER sur les Prius, ou les modes ECO sur les BMW, et quelques autres, mais cela n'a rien à voir avec l'écart inimaginable (tant qu'on ne le connait pas) qu'il y a entre le mode
Quiet, du début de mon essai, et le mode
Track sur la NSX. Il y a aussi 2 modes intermédiaires,
Sport et
Sport+, je ne les ai pas essayé. Je n'aurais connu que le mode le plus soft et le mode le plus hard, et l'écart entre les deux est tout à fait sidérant.
En mode Quiet, la NSX est très proche d'une Lexus GS hybride. Ultra douce, puissante et confortable. Très agréable, mais pas vraiment excitante. Raffinée plutôt. Le régime moteur est limité électroniquement à 4000 tr/mn, et à 90 km/h, l'aiguille du compte-tours est juste à 1500 tr/mn. Le moteur essence se coupe très souvent, mais dans tous les cas, il se fait rarement entendre, et les suspensions sont douces. Tout change en mode Track, à commencer par le bruit. Pour chaque banc du V6, il y a 2 catalyseurs et un silencieux, mais dans ce mode extrême, une soupape commande de passer outre les silencieux, et le V6 oublie ses turbos (!) pour faire une musique digne de la NSX I, c'est-à-dire celui d'une vraie supercar. Attention les oreilles, le bruit du moteur augmente de 25 décibels en mode Track (pour autant, cela reste légal, les catalyseurs ont accessoirement un effet réducteur du bruit, et on est loin du bruit d'une auto en échappement libre), et c'est formidable. On fait maintenant des électriques qui accélèrent très fort sans bruit, mais quand la bande son est au diapason comme c'est le cas ici, c'est autre chose. C'est comme comparer le cinéma muet au cinéma parlant.
Le bruit du moteur est d'autant plus présent qu'il ne se coupe pas, parce que le Stop&Start est désactivé pour garantir la recharge continue de la batterie (afin de pouvoir disposer à tout instant de la pleine puissance des 3 moteurs électriques), et que la boite reste plus longtemps sur les rapports intermédiaires. On notera aussi des changements de rapports plus rapides. L'instrumentation n'est pas en reste, sa couleur dominante passe du bleu au rouge. La petite CR-Z était déjà comme cela. La direction évolue elle aussi, pour devenir moins assistée et plus directe entre les modes Quiet et Track. Le freinage aussi est différent, tout comme le comportement, avec une suspension raffermie et une gestion différente de toutes les assistances électroniques. Au final, on a vraiment deux voitures en une, réellement différentes l'une de l'autre. C'est comme le gentil Dr Banner quand il dit :
Vous allez pas aimer, si je me mets en colère. Et juste après, comme ceux qui lisent les bandes dessinées de Marvel le savent bien, il se transforme en Hulk.
Conclusion
La NSX est comme cela, et en cela, elle fait avancer le schmilblick, parce que pour la première fois, on a une supercar qui au quotidien offre toute la douceur et l'efficacité énergétique d'une Lexus hybride. C'est une polyvalence inattendue sur une supercar, mais bienvenue, parce que comparée à n'importe quelle Ferrari, Lamborghini ou Porsche, la Honda NSX sera de très loin la plus agréable, et la plus sobre, dans un embouteillage. Et quand les super sportives ont désormais toutes des limites très largement supérieures à tout ce qu'on peut faire sur route ouverte, cette évolution est probablement la bonne. Comme la NSX I, cette NSX II doit faire réfléchir la concurrence... Quant aux quelques heureux qui en auront une, ils n'ont pas fini de rigoler. Parce que pour s'amuser à surprendre une passagère avec une accélération canon après un petit tour tranquille, en cachant bien son jeu, la NSX, elle est terrible.
Laurent J. Masson
Rechercher sur ce site :
Dernières actualités de l'écologie automobile :
21-11-2024 —
Mercedes lance un nouveau moteur dans sa CLA — 4 cylindres turbo-essence.
20-11-2024 —
Jaguar, un nouveau logo pour amuse-bouche — La réinvention en marche.
20-11-2024 —
Stellantis annonce sa plateforme électrifiée pour pick-ups — Ils ne travaillent pas très vite.
19-11-2024 —
Abarth dit adieu à l'essence à cause des taxes — Et aussi adieu à l'originalité.
18-11-2024 —
Voiture de l'année 2025, la R5 grande favorite — Les électriques en force.
17-11-2024 —
La Xiaomi SU7 Ultra à 359 km/h, autonome aussi — Double performance.
16-11-2024 —
La BYD Yangwang U9 fait un temps au Nurburgring — Un bon début.
15-11-2024 —
Zeekr va prendre le contrôle de Lynk & Co — Cela ne changera pas grand chose.
15-11-2024 —
Prime à la conversion : la fin du gaspillage — Après la destruction de dizaines de milliers de voitures.
14-11-2024 —
Porsche Taycan, la gamme élargie avec la Taycan 4 et la GTS — Bientôt la fin du leadership ?
Nos derniers essais :