L'après Covid-19, les pistes pour repenser les mobilités
Avant même le confinement, la situation n'était pas réjouissante. Des millions d'automobilistes affrontaient des embouteillages matin et soir, et si ceux qui prenaient les transports en commun rejetaient moins de gaz à effet de serre, leur quotidien était souvent de voyager debout, et dans les grandes villes, souvent serrés, voire comprimés les uns contre les autres. Le confinement offrant l'opportunité de réfléchir à tout cela, plutôt que des améliorations parcellaires, on pensera à une remise à plat complète de toutes les mobilités. On sera d'autant plus ambitieux qu'une nouvelle contrainte est venue s'ajouter à toutes celles existantes. L'obligation de se protéger des autres, parce qu'ils pourraient être contaminés, comme de protéger les autres de soi-même, parce qu'on pourrait être infecté sans le savoir. Soit le besoin d'une
distanciation sociale. Une
étude chinoise a en effet trouvé que le virus Covid-19 pouvait se déplacer dans l'air jusqu'à 4 mètres. C'est énorme ! Les demi-mesures ne suffiront donc pas, et à l'heure où le virus donne des
signes de rebond en Chine, plutôt que de rêver à un retour au monde avant, on cherchera ici à comment vivre avec le virus, en voyant loin.
Besoin d'hygiène accru
Il va falloir choisir. La dictature sanitaire, ou la dictature du virus. La première impose de nouvelles contraintes, mais la seconde tue. Cela signifie qu'il suivre la voie des aéroports. Là, comme dans les grandes stations d'essence sur l'autoroute, il y a de vastes toilettes, avec de multiples lavabos. Ils sont désormais indispensables. Avec des robinets sans commande manuelle, qui détectent le mouvement, ou avec une commande au pied comme on voit souvent en Italie, ou au coude, comme il y a dans les hôpitaux. De grands sanitaires, ou on puisse se laver les mains ou plus, propres, et bien éclairés, pour qu'une femme seule s'y sente à l'aise. Il en faut dans tous les lieux recevant du public.
La fin de l'autopartage et du covoiturage
Les grosses sociétés de location facturent toutes un minimum de 24 heures, et si leur service est plus cher que celui d'une offre d'autopartage de quelques minutes, il s'accompagne d'un standard qualitatif bien plus élevé. Chez un grand loueur, les voitures sont soigneusement lavées entre 2 clients. Alors qu'on se rappelle Autolib, où il y avait toujours plusieurs utilisations par plusieurs personnes, entre chaque prestation d'entretien. C'est dire que si le premier client était infecté, et qu'il a éternué plusieurs fois dans l'auto, tous les clients suivants seront infectés eux aussi... Dans un habitacle fermé et exigu, les virus se conservent très bien, et on peut se montrer pessimiste quant aux perspectives de l'autopartage...
Le covoiturage ne semble pas mieux loti. Pour l'automobiliste, l'idée de gagner quelques euros, en aidant quelqu'un n'est pas déplaisante, mais on verra plutôt aujourd'hui le risque de faire monter un inconnu dans sa voiture. Quelqu'un qui pourra avoir une conversation intéressante, mais aussi quelqu'un qui pourra être porteur de virus, et avec lequel on sera enfermé plusieurs heures. A l'heure où on entend partout qu'il ne faut pas se serrer la main, ni s'embrasser, l'idée de covoiturer est bien peu enthousiasmante...
Les transports en commun en question
Pour aller de Paris à Rouen, s'il n'y avait plus de train, ce ne serait pas bien grave puisqu'il est facile de louer une voiture. Mais la location d'un véhicule individuel est plus délicate s'il y a une frontière à traverser, par exemple pour aller de Paris à Bruxelles, et terriblement cher si on veut un vol privé pour New York. Les transports en commun vont donc continuer, mais ils vont devoir s'adapter. Peut-être avec 2, ou 3 places pour chaque passager,
comme le fait déjà la STIB en Belgique, et probablement en imposant le port d'un masque pendant toute la durée du voyage (
c'est déjà le cas à Bangkok). Cela suppose qu'il y ait des masques pour tous (en France, ce n'est pas demain, mais à Bangokok, il y a des distributeurs dans toutes les gares, comme le montre la vidéo ci-dessous), et qu'il y ait une autorité à bord, pour en faire respecter le port à tout instant.
Le président de la république avait dit naguère que nous étions en guerre, ce qui est très exagéré, mais qui avait tout de même l'avantage de préparer les esprits à une idée de reconstruction, parce que c'est bien plus qu'une restructuration qui est nécessaire. Il faut repenser la société pour réduire drastiquement les besoins de mobilité.
Réduire les distances domicile-travail
Alvin Toffler avait exprimé l'idée dès 1970 dans
Le choc du futur. Que des millions de personnes qui quittent leur domicile le matin pour se rendre sur leur lieu de travail est l'opération la plus improductive qui soit. Bien sûr, une partie de la population peut télé-travailler, mais il faut penser à ceux qui ne le peuvent, et c'est un drame que l'état semble les encourager à parcourir de grandes distances. En gare d'Amiens ou d'Orléans, très tôt le matin, on voit des gens qui partent travailler à Paris. C'est honteux, mais d'une part la société de transport ferroviaire leur accorde un tarif préférentiel, et d'autre part les employeurs remboursent une partie des frais de transport. Et si ce sont des automobilistes, les frais de déplacement sont déductibles de l'impôt sur le revenu.
Certains diront que ce sont les plus misérables qui ont les plus grandes distances domicile-travail à parcourir, mais ce présent n'est tout simplement pas durable. C'était mieux au XIX° siècle, où les domestiques habitaient dans des chambres de bonne au-dessus de leurs patrons, et les mineurs dans de petites maisons en brique qu'on avait construit pour eux (-illustration ci-dessus), et d'où ils pouvaient se rendre à la mine à pied. C'est après que la situation a dégénéré, avec les transports en commun, quand on a construit des immenses usines pour accueillir des milliers d'ouvriers, qui logeaient bien plus loin dans des cités dortoir. Les gigafactory de Tesla sont le dernier relent nauséabond et inhumain de ce monde ancien, et le futur est aux petites unités de production, proches des gens, et proches de leurs habitations.
Ce qui demandera de supprimer les avantages associés aux salariés qui habitent loin de leur travail, d'interdire aux sociétés de transport de faire des abonnements de travail, et de taxer les entreprises qui emploient des personnes dont le domicile est éloigné. Ce sont des changements structurels pénibles, mais il faut voir le progrès social. Comment peut-on être un pays moderne, si des centaines de milliers de citoyens passent chaque jour de travail, 2 heures ou plus dans les transports ?
Réduire les distances parcourues par les marchandises
Nos ancêtres les gaulois étaient-ils mal nourris ? On peut se demander la question quand dans les magasins d'alimentation, on voit tant de produits venant de si loin. Prune d'Afrique du Sud, raisin du Pérou, sur notre illustration prise il y a quelques jours dans un supermarché Leclerc. On peine à le croire aujourd'hui, mais les importations massives de denrées alimentaires en France n'ont commencé que dans les années 1960. Avant cela, les français se nourrissaient exclusivement de produits français, et toute l'année ! Toute la population a aussi constaté que le pays manque de masques, de tenues de protection, d'appareils de réanimation, etc... Ce site a aussi plusieurs fois déjà déploré que la voiture préférée des français, la Renault Clio, soit désormais importée de Turquie, pays qui ne fait même pas partie de l'Europe. Et ce qu'on sait moins, est que l'arme tactique de l'armée française, le HK416, vient d'Allemagne, et que de nombreuses petites pièces du char Leclerc proviennent de Chine.
On aborde là des questions de souveraineté très au-delà des sujets habituels de ce site, mais ce sera la base de toute réduction des flux de marchandise, que de favoriser les productions locales, au détriment des produits importés. Il faudrait pouvoir taxer fortement tous les produits importés, sauf que c'est impossible dans le cadre de l'Union Européenne, puisque ses membres lui ont concédé tous leurs droits à réguler ou taxer les importations, en même temps qu'elle organisait le marché unique, qui interdit de faire la moindre différence entre un produit français ou bulgare. Il va falloir faire de gros changements... Le pire étant qu'on ne peut compter sur le gouvernement pour défendre les productions locales, puisqu'hier encore, le ministre des transports,
Jean-Baptiste Djebarri, a dit qu'il fallait soutenir Air France, parce que c'était un fleuron industriel. On espère que quelqu'un saura lui apprendre qu'en plus d'être parmi les plus gros pollueurs de la planète, une compagnie aérienne est une société de services, comme un artisan taxi, alors que ce sont les activités de production qu'il faut soutenir et développer.
Conclusion
Il y a des solutions. Tout le monde doit en être convaincu. Il sera peut-être plus cher de voyager, mais ce n'est bien grave. On rappelle que le philosophe Emmanuel Kant avait tout compris de la nature humaine sans jamais quitter sa région natale. Mais ce qui est nouveau avec l'apparition de ce virus Covid-19, est que s'il y a plusieurs problèmes, réduire les émissions de gaz à effet de serre, diminuer la consommation d'énergie, développer l'indépendance nationale, améliorer la vie des gens en les rapprochant de leur travail, améliorer leur sécurité face aux maladies contagieuses, les idées exprimées sur cette page laissent apercevoir une solution unique.
Laurent J. Masson
Crédit photos : Jean Gabin chauffeur routier avec Marcel Bozzuffi dans
Gas Oil (1955),
femme faisant le grand écart, maison de mineurs : copie d'écran de film Germinal (1992, avec le chanteur Renaud dos tourné), et voiture de l'ancien service parisien Autolib.
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