Le bon choix : l'E85 est arrivé, la France prend enfin le virage des biocarburants
La pompe a pompée ! Renault avait présenté une Megane Flex-Fuel au
salon de l'auto, et c'est au volant de ce modèle que le ministre des Finances, Thierry Breton, s'était rendu à la station Total de la Porte d'Orléans (à Paris). Là, en compagnie du ministre de l'agriculture, Dominique Bussereau, il a fait le plein d'E85, un mélange de 85 % d'éthanol (un alcool) avec 15 % d'essence. Ouf ! Parce qu'en 2002, quand ce site avait lancé une pétition sur la fiscalité des biocarburants, puis contacté tous les partis politiques pour connaitre leur position sur ce sujet, ils étaient tous contre le développement de cette énergie renouvelable. Les partis de gouvernement n'en avaient rien à faire, le parti écologiste était contre au motif que l'agriculture détruit le sous-sol (on peut pourtant règlementer les quantités d'engrais, idem leur toxicité), et celui qui était le plus enthousiaste était le parti d'extrême-droite. Mais pas pour des raisons écologiques, pour des raisons financières, puisque si quelqu'un doit s'enrichir à vendre du carburant, mieux vaut que ce soit un agriculteur français plutôt qu'un rentier saoudien. Nous sommes heureux de constater ce changement de cap.
Parce que la situation de blocage, dans laquelle se trouvait les biocarburants dans notre pays, devenait intenable. On a ouvert la millième station d'E85 aux Etats-Unis, la 500ème en Suède, plus de 60 % des voitures neuves roulent à l'alcool au Brésil, et... La France ne pouvait ignorer cet élan, qui est mondial. Il faut au contraire mettre les bouchées doubles pour rattrapper notre retard, et c'est justement ce que fait le ministre des finances, qui roule déjà à l'E85, alors que le cadre juridique qui doit encadrer ce carburant n'est encore complètement défini. Et si Thierry Breton a déjà pu ravitailler son auto à l'E85 le 9 octobre, les particuliers devront attendre 2007.
Mais tant mieux. Il faut aller vite, et s'il y en a qui peuvent aller plus vite que les autres, qu'ils y aillent. Parce qu'il y a urgence. On connait le discours sur la planète qui se réchauffe, et les engagements de Kyoto que la France est mal partie pour respecter. Notre pays doit réduire ses émissions de CO2, et le meilleur moyen de parvenir à ce but qui est prioritaire, est de diminuer les ventes du carburant dont l'usage dégage le plus de CO2. Soit l'essence. SP95 et SP98.
Les voyous qui s'amusent aujourd'hui à dégonfler les pneus des 4x4 s'attaqueront-ils demain à toutes les voitures à essence ? Ce serait logique, puisque les chiffres montrent qu'une voiture à essence rejette 25/30 % de CO2 de plus qu'une voiture diesel ! Même si la combustion d'un litre de gazole rejette plus de CO2 que celle d'un litre d'essence, c'est le rejet rapporté à la distance parcourue qui importe.
Exemple de la Ford Focus, disponible dés aujourd'hui en motorisation essence, diesel ou
Flex-Fuel.
Marque, modèle | Ford Focus 1.6 ess. | Ford Focus 1.6 TDCI | Ford Focus 1.8 Bioflex |
Puissance, ch | 100 | 110 | 125 |
Emissions de CO2, g/km | 161 | 127 | 42 à 84* |
* Les émissions nettes de CO2 de la Ford Focus Bioflex sont de 169 g/km, mais il faut déduire la part absorbée par les plantes lors de leur croissance, minorée par l'énergie consommée lors de la production de l'éthanol. En fonction de la méthode de production de l'éthanol, la déduction est de 50 à 75 %.
Exemple de la Renault Megane, disponible aujourd'hui en motorisation essence, GPL, diesel, et
Flex-Fuel à compter de l'année prochaine.
Marque, modèle | Renault Megane 1.6 ess. | Renault Megane 1.6 GPL | Renault Megane 1.5 dCi | Renault Megane 1.6 bioéthanol E85* |
Puissance, ch | 110 | 100** | 105 | 110 |
Emissions de CO2, g/km | 164 | 147 | 124 | 41 à 82*** |
* Disponible courant 2007, valeurs de puissance et d'émissions de CO2 estimées.
** Puissance de 105 ch à l'essence, 100 ch au GPL.
*** Les caractéristiques de la Renault Megane 1.6 bioéthanol ne sont pas encore connues, mais on nous a dit que la puissance serait au moins égale à la version essence, et il devrait en être de même pour les émissions de CO2, soit 164 g/km, mais il faut déduire la part absorbée par les plantes lors de leur croissance, minorée par l'énergie consommée lors de la production de l'éthanol. En fonction de la méthode de production de l'éthanol, la déduction est de 50 à 75 %.
On peut aussi évoquer l'hypothèse du gaz naturel, qui permet à un moteur à allumage commandé de ne rejeter pas plus de CO2 qu'un moteur diesel. Mais pourquoi se compliquer la vie avec un gaz, si le diesel n'est pas moins bien ? Les ventes de diesels sont en hausse partout dans le monde, du Canada au Japon en passant par la Suisse, et rien ne semblait pouvoir ralentir cette progression, sinon l'arrivée du bioéthanol, qui sera probablement le nom commercial de l'E85 dans notre pays. On peut rétorquer à cela qu'il serait possible de développer le biodiesel. Et l'huile végétale brute (HVB) a bien des partisans, mais en faisant le choix de l'E85, le gouvernement a d'abord fait le choix de s'attaquer au carburant dont l'usage est le plus nocif, et ensuite celui de la simplicité d'une part, du rendement de l'autre.
La simplicité parce qu'il est plus facile et moins cher de convertir une essence à l'usage de l'alcool, et qu'il n'y a pas de perte de puissance, bien au contraire, qu'un diesel avec rampe d'injection très haute pression à l'HVB, avec forcément une perte de puissance, puisqu'indice de cétane inférieur. Quant au rendement, les partisans de l'HVB mettent en avant la facilité de sa production, qui est bien réelle, mais la culture d'un hectare de tournesol ne peut donner que 1000 litres d'huile, alors que celle de la même surface de betteraves à sucre donne 7000 litres d'éthanol ! Au vu des surfaces disponibles en France, au vu du climat qui ne permet pas la culture du palmier à huile, et de jouir de son rendement exceptionnel, et en attendant les biocarburants de seconde génération qui ne feront pratiquement plus de différence de rendement entre
bio-essence et
bio-gazole, le gouvernement a fait le bon choix.
Même si l'E85 a un pouvoir énergétique inférieur à celui des carburants pétroliers ou de l'HVB. Une essence use 10 l/100 km, elle demandera 12 l d'E85. Nous ferons avec. Mais nous nous étonnons que pour le moment, les cultures et les techniques soient aussi diverses. 16 usines de production de biocarburants sont en cours de réalisation, avec différentes techniques de production, pour traiter les récoltes de différentes cultures. Le blé, la betterave, le maïs (plus rare), l'énergie nécessaire lors de la distillation (renouvelable, fossile, cogénération...), le temps de fermentation, il y a beaucoup de variables. On veut mettre en concurrence toutes les solutions, ce serait bien, mais cela rend impossible le calcul du gain exact en émissions de CO2 offert par le bioéthanol. Nous avons indiqué une fourchette : l'usage de ce biocarburant diminue les émissions de CO2 de 50 à 75 %, par rapport aux émissions produites par la voiture à essence seule, auxquelles pour être exact, il faut additionner les émissions produites lors de la production de l'essence à partir du pétrole brut, qui ajoutent environ 15 %.
Dans tous les cas donc, l'usage d'E85 est nettement avantageux, et cela commence à se savoir. Il y a eu des vedettes de cinéma qui roulaient en voitures hybrides, au
MTV Video Music Awards (ci-contre), plusieurs invités sont arrivés dans des gros Chevrolet 4x4 roulant au bioéthanol. Ce carburant est aussi performant, puisqu'on a vu cet été une Chevrolet Cobalt sur le lac salé de Bonneville rouler à plus de 300 km/h avec lui. Elle n'avait pourtant qu'un petit moteur 4 cylindres (ci-dessous). Avec un indice d'octane supérieur à l'essence, l'E85 est très prometteur côté performances, et il est aussi plus propre.
Sur les Ford Focus Bioflex à
l'essai dans la Marne, l'IFP a mesuré des rejets de NOx et de CO diminués de plus de moitié grâce à l'E85. Très valable ! Seul bémol, le vieillissement un peu difficile de l'alcool qui peut aboutir à une certaine oxydation. Elle se retrouve à l'échappement sous forme d'acétaldéhyde, mais il y a des solutions techniques, ce problème sera réglé. Et dans tous les cas, ces rejets sont très faibles, moins d'un centième de gramme au km, pas de quoi s'alarmer. Les constructeurs sont d'ailleurs confiants, toutes les autos de cette page sont adaptées à l'E85, même l'élégant cabriolet Chrysler Sebring ci-dessous, et avec au centre pour rêver, le cabriolet Saab, E85, et hybride s'il vous plait. Mais c'est un prototype. La Ford Focus, la Focus C-Max, et la Saab 9/5 sont déjà disponibles en version Flex-Fuel, avec la capacité de rouler aussi bien à l'essence qu'à l'E85, ou n'importe quel mélange des deux, et nous attendons plus de 10 modèles d'ici 12 mois. Avec plusieurs centaines de stations, dont de nombreuses à l'enseigne de Total, en toute logique puisqu'avec la reprise des stations Fina et Elf, c'est lui qui a le plus grand réseau de distribution. L'objectif de prix est de 80 centimes le litre, ce qui est plutôt bien, mais ce qui sonne comme un couperet devant les réductions indûes dont bénéficient le GPL et le gaz naturel. Comment peut-on justifier qu'une ressource fossile soit moins chère qu'une ressource renouvelable ?
Rappellons notre principe que les distinctions entre énergies fossiles sont illégitimes, que la seule distinction de valeur est celle entre fossile et renouvelable, et prions le gouvernement d'imposer tous les hydrocarbures fossiles au même taux.
Pour conclure, comment ne pas évoquer les avantages économiques de l'E85. Qui sont doubles ! La balance commerciale française gagnera à ce que le pays achète moins d'énergie à l'étranger, tandis qu'en réduisant la demande intérieure d'essence, il sera possible d'en exporter plus. Une part croissante de l'essence raffinée en France est vendue aux Etats-Unis, que cela continue ! Dans notre hexagone qui possède de vastes surfaces arables en jachère pour éviter les surproductions (on était allé jusqu'à payer des viticulteurs pour qu'ils arrachent des pieds de vigne il y a quelques années), il y a un grand potentiel pour l'agriculture énergétique, ce serait débile de ne pas l'exploiter. Surtout que cela créera des emplois, et c'est ce qui justifiera la plus forte détaxe possible des biocarburants. Une étude avait d'ailleurs montré que si le gouvernement détaxait le biocarburant de
x, l'état récupérait 70 % de cette valeur
x, par la création de richesse qui était générée, et les différentes taxes et charges sur les activités économiques. Ecologiquement et financièrement, tous les français gagneront au dévelopement du bioéthanol, tous.
ADDENDUM, 03/01/2007 : le nom officiel de l'E85 en France est Superéthanol E85. Pour
super à l'éthanol plutôt que
bioéthanol, car les cultures qui permettent la fabrication de l'éthanol ne sont pas bio. Il ne faut pas alors induire le consommateur en erreur.
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