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Le Grenelle, des idées encore à bien creuser

Sam 29/09/2007   —   Les automobilistes sont sur la table d'opération des chirurgiens du Grenelle de l'environnement. Les médecins ont globalement bien compris les problèmes, mais leurs solutions ne semblent pas à la mesure des attentes, encore moins des enjeux.
C'est le groupe de travail n°1 qui était chargé de la question du changement climatique et de l'énergie, où sont inclus les transports. Son rapport est un document de 90 pages (.pdf), mais sauf pour les professionnels, on peut se limiter à lire sa synthèse, qui ne fait que 7 pages (.pdf). C'est néanmoins dans le rapport complet, que nous avons eu la joie de lire (p.7) que le bâtiment est le secteur le plus consommateur d'énergie en France. L'automobiliste est tellement culpabilisé ces temps-ci, nous sommes heureux de voir que sa respansabilité n'est pas surévaluée chez les professionnels. Les bâtiments de l'hexagone rejettent plus de 3 fois plus de gaz à effet de serre, que les français dans leurs voitures. On doit toujours avoir ces chiffres à l'esprit, mais ce n'est pas une raison pour ne pas faire preuve de volonté, d'audace ou d'imagination dans le secteur des transports.

Nous avons recensé ci-dessous les idées du groupe de travail qui intéressent les automobilistes, et nous sommes consternés de n'y avoir trouvé aucune idée nouvelle, et surtout pas de proposition contraignante. L'idée d'une vraie taxe carbone, qui frapperait de même manière l'automobiliste, que la ménagère qui cuisine au gaz, le chauffeur routier, celui qui se chauffe au fuel ou la compagnie aérienne, est à peine conceptualisée. Et pour l'aviation, nous avons remarqué avec effroi, que si plusieurs participants ont proposé d'augmenter les taxes sur les carburants auto, la recommandation officielle du groupe pour le transport aérien, n'est de le taxer plus, que sur les lignes où un train rapide fait concurrence. Il vaut mieux être une grosse compagnie aérienne qu'un petit automobiliste...

Proposition du groupe de travailCommentaire de Moteur Nature
Mettre en place des péages à l'entrée des villes pour les autos.La réduction de traffic est inférieure à 10 % à Londres, mais cela rapporte de l'argent.
Créer un observatoire des transports.Du travail pour les fonctionnaires.
Etablir un shéma national des infrastructures nouvelles de transport.Du travail pour les fonctionnaires.
Mettre en place un plan de développement des transports collectifs.Du travail pour les fonctionnaires.
Construire 1500 km de voies supplémentaires de tramway ou de bus en site propre.Où trouve t-on l'argent pour faire cela ?
Construire des parkings aux abords des agglomérations, aux terminus des transports collectifs.Pourquoi personne ne dit que l'intermodalité fait perdre du temps et de l'énergie.
Développer le vélo-partage, et l'auto-partage.L'idée est dans l'air du temps.
Publier les émissions de CO2 de chaque entreprise et collectivité.Qu'on commence par les ministères ! Mais qui va payer les bilans CO2 ?
Eduquer les conducteurs à l'éco-conduite.On peut toujours optimiser sa consommation d'énergie, mais c'est une attention de chaque instant, dont on ne peut attendre des miracles.
Diminuer la vitesse de 10 km/h sur toutes les routes et autoroutes.La réduction des émissions de CO2 serait marginale.
Généraliser les péages sans arrêt.On pourrait aussi les supprimer. Beaucoup de pays ont des autoroutes gratuites.
Faire des voies réservées aux autos transportant plus de 3 personnes.Cela marche bien aux USA sur les routes à 10 voies ou plus, mais il y a moins de potentiel en France.
Soutenir l'Europe dans son projet de limiter les émissions de CO2 des autos à 120 g/km en 2012, et 80 g/km en 2020.Oui ! L'Europe a effectivement besoin du soutien des états-membres pour faire avancer ces dossiers.
Mettre en place une éco-pastille bonus-malus indexée au CO2, avec soit un crédit d'impôt, soit une surtaxe, de part et d'autre d'une tangente de 140 g/km.Le retour de la super-vignette pour faire le bâton, mais le crédit d'impôt comme carotte, est insuffisant pour les foyers qui ne paient pas l'impôt sur le revenu.
Accorder des facilités financières aux ménages à faibles revenus mal desservis par les transports en commun pour l'acquisition d'une voiture sobre.Après le droit à l'éducation, la santé et le logement, c'est le droit aux déplacements motorisés. Est-ce indispensable ?
Encourager la recherche sur les voitures électriques, hybrides et les biocarburants de seconde génération.Et quand dépassera t-on le stade de la recherche ?

Il est difficile de ne pas être déçu. Parce que même toutes ensemble, la réduction d'émissions de CO2 permise par ces mesures est insuffisante. Il manque une mesure d'interdiction pure et simple contre les véhicules les plus polluants comme un Hummer H2, dont la dernière version est homologuée à 512 g/km de CO2. Le groupe de travail ne propose que renchérir le coût d'usage d'une telle auto, cela ne peut suffire. Idem développer les transports en commun, dont le caractère efficient n'est établi que dans les zones très denses, idem la rentabilité. Les mesures phares du Grenelle pour les automobilistes seraient alors le rétablissement de la vignette annuelle, et un abaissement de la vitesse sur toutes les routes. Mais l'efficacité de cette dernière mesure ne serait peut-être pas celle attendue, car les constructeurs dotent depuis longtemps leurs modèles de rapports longs pour minimiser la consommation.

Sur une voiture courante comme une Megane 5 portes 1.9 dCi, à 90 km/h sur le dernier rapport, le moteur est à 1705 tr/mn. A 80 km/h, il n'est plus qu'à 1515 tr/mn. Sauf sur une route parfaitement plane et rectiligne, c'est intenable. La réduction sur autoroute, de 130 à 120 km/h, promet plus de potentiel, mais l'idée reste pitoyable. Avec tout le bruit autour de ce Grenelle de l'environnement, ce serait misérable, et ridiculement ineffectif, si tout ce qu'il en ressortait, serait un nouveau raidissement du matraquage des automobilistes, accompagné du retour de la vignette. Il faudrait mettre encore plus de radars ! C'est assez dramatique que pour toutes les mesures qui vont sortir de ce Grenelle, on s'interroge sur leur financement, mais que pour celles applicables aux automobilistes, on s'interroge au contraire sur leur rapport. L'automobiliste est affirmé une fois de plus comme une vache à lait, mais le rapport du groupe de travail n°1 vise pourtant à lui réduire sa prairie, puisque les finalités du nouvel observatoire des transports, et des nouveaux shémas d'infrastructures, sont de donner une plus grande proportion des routes et chaussées aux transports publics.

Le projet de construction de 1500 km de nouvelles voies de tramway et de bus en site propre a été chiffré à 40 milliards d'euros (p.35). Au vu du coût du tramway de Nice, cette somme énorme semble faible, mais sait-on qu'elle permettrait la construction de 2 millions et demi de Bolloré Bluecar ? 1500 km de tramway ou 2,5 millions de voitures électriques avec lesquelles les français pourraient aller où ils voudraient, en toute autonomie et indépendance, à 120 km/h maxi, et jusqu'à 200 km ? Comment ? Le groupe de travail n'y a pas pensé ? Nous sommes heureux d'annoncer qu'on verra bientôt plusieurs dizaines de voitures françaises, électriques et hybrides rechargeables, en test à Paris. Faisons de la provocation incitative : je propose la suppression de la limitation de vitesse sur autoroute pour toutes les voitures qui ne rejettent pas de CO2.
Laurent J. Masson

Moteur Nature avait publié l'année dernière une liste de 10 propositions pour réduire la pollution auto, elles restent d'actualité, et sont plus originales que tout ce qui a été proposé à ce jour au Grenelle de l'environnement.

A noter que le processus du Grenelle de l'environnement est très démocratique, il est possible à tout citoyen de consulter les rapports réalisés, et même de les commenter sur le site officiel.


Rubrique(s) et mot(s)-clé : hors-constructeur ; politique-transport_France ; ecologie